jeudi 27 mai 2010

Les galaxies de Louis Warynski

Plongée dans un cosmos on reconnaît les étoiles leurs scintillements
mais de constellations connues aucune
je suis dans cette musique en apesanteur : mon corps n'a plus de point d'appui et il doit trouver en lui-même ses appuis, ses repères, ses tensions
le corps est devenu cosmos, entre lui et le noir en espace, nulle limite dès lors. le corps s'est dilaté à l'espace. la circulation des flux internes n'est plus rompue et elle se mêle à celle de la voie lactée (ici inconnue voie lactée)
La force de gravité s'est tant amoindrie, disparue même, que je découvre en moi les autres forces qu'elle avait oppressées jusqu'alors.
Cette découverte est un surgissement, ce que je découvre en moi : j'ignorais qu'il y soit et c'est donc à son apparition, comme à sa naissance, que j'assiste, étonnée - bouleversée.
Aux métamorphoses du vide palpitent les étoiles mon corps devenu émotion, émotions,
de cette musique je nais émotion.




A l'écoute de la musique de Louis Warynski, 
je ne reconnais en moi aucun sentiment : pourtant je suis traversée de sentiments, je ne suis plus que sentiments sensations : émotions.
Mais nul sentiment connu.

La musique de Louis Warynski n'est pourtant pas destructurée, 
je devrais trouver des repères.

Mais ces repères sont déplacés. 

Le système est autre, le cosmos est autre.
Nouvelle galaxie je nais aux étoiles.
Les nébuleuses aux voiles gonflées me font voyager de parenthèse en parenthèse
épopée dans une ponctuation nouvelle
constellation nouvelle ponctuation nouvelle.





La musique de Louis Warynski n'est pas destructurée et d'elle jaillissent des sentiments.
Pourtant nul sentiment connu.
C'est donc qu'elle fait naître en nous des sentiments tout à fait neufs.
- nous avons d'abord pensé que cette musique ne provoquait en nous nul sentiment (mais alors, pourquoi est-on si fasciné ?), mais c'est que ces sentiments nous ne les connaissions pas ; nous ne disposions pas encore de mots pour les identifier.




Sentiments pourtant aujourd'hui je le sais.
émotions serait peut-être un mot plus juste.
je ne sais pas pourquoi. une force physique, on est mu par cette musique, cette physique qui a absout les lois de la pesanteur.

Emotions inconnues donc.
sans mots.


Laisser ces émotions dépourvues de mots.








Laisser ces émotions dépourvues de mots.
Laisser ces émotions à la musique.
à l'inconnu. au cosmos nouveau. où mon corps est porté.

Laisser la musique de Louis Warynski à un seul mot : émotion. motion. mouvement. 




Emotion d'une plongée dans l'inconnu,
garder intact cet inconnu.
s'y plonger sans chercher à le connaître. 

Emotion, mouvement, métamorphoses.
Inconnu, vide.

Les métamorphoses du vide.




(l'émotion est l'inconnue de l'équation Warynski)
 

politique


J'ai compris qu'il n'y avait pas de dualisme politique / non-politique (que le non-politique soit l'intime, l'ontologique ou le métaphysique), car la politique n'est autre que la mise en commun des hommes ( - et l'homme existe-t-il tout à fait sans cette mise en commun ?).
Cela n'a donc pas de sens de dire : je ne suis pas politisé(e).

Et l'on n'écrit pas de la politique : tout écrit est politique.
(Quand bien même on croirait n'écrire que pour soi : qu'est le je sans les autres ? Je est un perpétuel mouvement entre soi-même et les autres.)

Faire un acte politique c'est se poser (momentanément : il faut se positionner et se repositionner sans cesse) dans la communauté des hommes.
Nul besoin d'intégrer un parti ni même d'être lié à quelque groupe que ce soit (outre le groupe de la communauté humaine) pour être politique et agir politiquement :
affirmer sa singularité dans la pluralité, c'est déjà agir politiquement :
c'est lutter contre l'avènement d'une autorité totalitaire* en (ré)affirmant la singularité de chacun dans la pluralité des hommes.
Ainsi, je suis politique (je suis pour la pluralité, je reconnais la pluralité et je la défends) (pluralité=singularités) parce que j'écris (ce que je suis seule à me dicter et que nul m'impose).

*autorité totalitaire : qui se prétend être la totalité et nie donc les singularités (les singularités étant l'altérité et échappant donc à une totalité qui se voudrait une et indivisible).
Ainsi, un gouvernement totalitaire n'est pas politique.

affronter l'inconnu


Etre face. face opaque. yeux opaques face à face transparente.
la peur toujours d'être opaque soi-même.
opaque parce que surface, opaque parce que vide en fait. 
la peur d'être la surface qui se frotte à la profondeur.
qui ne se frotte pas même.
contre ce grain, de n'être pas même émoussée. 

lorsque j'ouvre les yeux sur la page je crains qu'ils glissent et que ne s'opère pas même la moindre révulsion
je crains de ne suivre que la forme des lettres, la forme des mots tout au mieux
la photographie floue qu'ils peuvent imprimer en moi
mais sur laquelle ne se dessine nul profil nulle silhouette
nul sens nul sens autre que le sens pré-institué et qui n'avait pas besoin de cette image nouvelle pour exister

peur pétrifiante de ne pas savoir lire.

que serais-je ?

nulle.pas même annulée. nulle depuis toute origine, origine nulle elle aussi.

je suis face à la page et peur paralysante de l'inconnu. peur de ne pas savoir franchir.
et c'est la barrière de l'altérité qu'on ne saurait pas franchir.
on ne serait capable que de se lire soi-même.
et la lecture de soi-même serait la pire hypocrisie possible : on aurait en soi toutes les clefs et on en créerait d'autres pour les portes fermées, certain (on croit pouvoir l'être, on se trompe sans doute) qu'il n'existe pas déjà des clefs qui nous sont dérobées et que l'on peut donc en forger d'autres, à profusion, sans limite, avec le métal encore liquide, toujours liquide, qui nous informe.

je suis face à la page et peur paralysante de l'inconnu, peur de ne pas comprendre peur de tout laisser à l'informe ou au contraire de former des sens pré-établis prêts-à-monter sur ce qui n'est que force.
Peur d'épuiser la force dans le vide (pas même métaphysique) que je suis ; peur que la force meurt en moi faute de lumière régénerescente. 

j'ai peur de lire mais j'ai peur plus encore de ne pas lire.

alors je lis et je bute sur les mots sur la difficulté qu'ils auraient pu m'imposer (et c'est ainsi qu'ils me l'imposent), sur la fascination qu'ils doivent imposer (sur la fascination que je m'impose).

Lecture paralysante donc, oui : lecture paralysante : lecture hypnotique.

Cependant, aussi vide que je puis être, aussi vide laide que je puis être, aussi vaniteuse, prétentieuse, vide surtout, vide,
aussi vide que je puis être, il doit bien y avoir en moi au moins un mot
mot qui m'impose d'avancer à travers les mots

nécessité de la lecture indéniable

quand bien-même est-ce la prétention l'orgueil qui pousse à lire, 
c'est que l'on sent que c'est ici qu'un orgueil pourrait se placer,
on sent qu'un être de volume, de creux et de volumes, en vient nécessairement à la page, à ses creux à ses blancs, à ses pleins à ses mots.

pour savoir cela, il faut qu'il y ait quelque chose en moi.

alors à la peur de lire se lie le désir la volonté ? toute puissante de lire

Et face à cette nécessité conjointe de paralysie, face à cette nécessité qui est précisément à l'origine de la paralysie, qui se manifeste par la paralysie même, face à cette nécessité qui peut-être est paralysie, 
naît en moi la nécessité de lire deux fois.

mercredi 26 mai 2010


(comment peut-on encore dire que quelqu'un irradie de bonheur ?)
(contentons nous d'être radieux)

Bill mon amour



Là-bas la végétation pousse sans calcul irradiée qu'elle est de cette poudre verte dont dit-on viennent les songes feuilles fantastiques se déploient sans modèle aucun et les troncs s'élancent à la verticale - la zone est-elle délimitée verticalement, également, ou ces arbres peuvent-ils par leur hauteur s'extraire enfin du parc hermétiquement tracé ? 
1h23, 26 avril et 24 ans plus tard
quelle langue parle-t-on dans la Zone ? 







la langue des êtres seuls quelle est-elle ? 








"20 ans" après Tchernobyl, la vie croît avec insolence dans la Zone et défie toute science humaine
mais quelle est cette vie ?
îlot de paradis où paissent des licornes merveilleuses, des chevreuils et des gazelles
mais quelle est cette silhouette que je ne connais pas ?
que fait-il depuis si longtemps sur ses deux pattes, cherche-t-il un fruit en haut de cet arbre ? pourtant non, c'est dans la terre qu'il cherche. il creuse avec un bras mobile, qu'il peut déposer à terre lorsqu'il a fini de creuser. finalement, il cesse de creuser avant d'avoir mangé. il se tourne et retourne à sa tanière. immense tanière.
que fait l'homme cet étrange animal dans la Zone ? que fait-il étranger étranger qu'il est à cette Zone inhumaine - anhumaine ?
il se fait étranger.
étranger aux hommes.
il se délie du langage et se lie à la terre.
s'enterre s'emmure mur muet langage ruiné comme de bombes
pas de bombes non pure explosion de la terre venue du pays lui-même
(du pays devenu soviétique)

- non pas du ciel à la terre mais de la terre au ciel -

Ce n'est pas offert par un autre pays mais c'est offert au monde entier

Que le monde entier devienne noir de suie de basalte de cendre
Que les poumons entiers deviennent noirs, non pas pollués : calcinés

tuons l'homme ce sera un asile pour la faune et la flore - et les quelques scientifiques restés sur l'arche pourront y descendre, se reproduire avec les animaux les arbres les roches

l'homme sera toujours là 

mais l'homme plus seul que jamais (que jamais ? seul toujours)

l'homme a divorcé, il est venu habiter dans la Zone.

il ne voulait plus parler.

mais cette exclusion volontaire parle.

elle ne dit rien peut-être, rien de précis, rien de compréhensible,
mais elle parle.

comme ces rescapés de guerre réfugiés dans la belle ville de Pripyat 
20 ans après Tchernobyl ?
20 jours après Tchernobyl.

Ils parlent. et qui les entend ?

Et pourquoi moi alors que j'étais A-2, je ne les entends que 24 ans plus tard, 22 ans trop tard ?

et pourquoi la langue ukrainienne m'est-elle inconnue ?
aujourd'hui je la découvre comme la langue du malheur
langue de mort ou de solitude
et si la vie même là-bas a persisté à nouveau éclose
le lieu me semble toujours misère humaine

- mais non pas un lieu clos, échantillon de malheur à étudier au microscope
non - un lieu qui n'est rien de plus que le banal reflet du monde : des machines à fric machines de guerre machines à faire fonctionner le monde rouler les voitures, des autorités politiques un peu trop puissantes quand elles ne le sont pas plus encore, des solitudes enfin, des solitudes.

photographie d'Alix Cléo Roubaud

je n'avais pas compris que la solitude de l'homme était ancrée dans l'histoire
je n'avais pas compris que la solitude de l'homme était politique
:
je n'avais pas compris que la politique et l'histoire étaient la solitude de l'homme

(et la tension vers l'autre qu'implique la solitude et que seule peut impliquer la solitude)

lundi 24 mai 2010

Derniers jets de vitesse


Demain mon coeur me devancera de vitesse et j'espère qu'il ne me débarquera pas en chemin, me laissant sur le bas-côté de la route.
Accrocher le coeur au cerveau pour que la langue puisse se délier et s'ordonner, donner un coup d'éclat final qui ne soit pas celui de sa propre fin.
(limiter au possible la caféine)

la petite marchande d'allumettes



je suis d'éclat d'air de voix de lumière
je m'élève jusqu'à la source d'eau aux rochers
porte à ma bouche cette lumière recueillie au creux des mains
je danse dans un champ d'orties merveilleuses
j'ai une robe en peau de coquelicot
les genoux égratignés les pieds d'enfant fragile
les échos chantent contre les parois des montagnes
et je danse dans ces échos lancés comme des chamois d'hiver
j'ai jeté les souffrances par dessus mon épaule
comme un peu de sel pour mon bonheur
et je danse danse danse sans aucun savoir
j'oublie même que les orties blessent et ils ne me blessent pas
je m'allonge au ruisseau et c'est une noyade d'ivresse de joie
lorsque le bleu le froid au regard
mon visage devenant bleu lui aussi
bleu du froid de l'eau de glace
des cristaux accrochés à mes cils et lorsque je m'éveille je suis reine des glaces au coeur de glace

instant jazz


encens en volutes clefs de sol, feutre de l'obscurité des lumières tamisées, tables rondes d'un sang presque noir, 
j'aurais une robe de soie rouge caressant jusque les chevilles
les flutes de cristal d'un vin sombre à mon front
le contrebassiste un grand noir aux doigts maigres
une chanteuse à la voix de sommeil et aux cheveux de cendres
je serais accompagnée
à mon cou un parfum capiteux
un collier des plus précieux
d'une femme qui aurait déjà été mariée, dans un temps presqu'antérieur
une bouteille de ce bordeaux partagé à nous deux entre quelques murmures des sourires de fatigue sensuelle
main blanche dans main blanche dansant soudain sur la piste de danse
dans cette salle noire où les habitués mêmes commenceraient à prendre le départ
le piano comme infini
alors danse contenue s'abandonnant dans la fatigue de jazz élégant
auquel nous serions habitués mais comme cette soirée isolée.ce serait un instant de jazz non pas sur une vie mais dans cette salle obscure seulement
ce serait un verre de whisky dans une main une cigarette dans l'autre
et les fumées capiteuses d'un instant de jazz
I would be tired et d'une sensualité effarante
quarantenaire aux jambes étirées comme des sauterelles
aux cheveux capiteux capiteux
je coûterais si cher et tu serais si riche
ce serait un instant de jazz pour des privilégiés la vie derrière eux, laissée sur le porte-manteau de ce grand club
il me désirerait silencieusement
ce serait un tango en puissance
mais notre fatigue nous endormirait au jazz jaazz
il aurait le visage des pays traversés des filles serrées contre lui des draps d'hôtel d'affaire aux eaux de cologne inoriginelles
les rides au coin de mes lèvres seraient celles des whiskys solitaires des whiskys partagés avec des marins des banquiers des cheminots des professeurs de grands médecins chirurgiens qui m'auraient dépecé le coeur
oublié de le refermer
tout le sang ainsi évacué et le coeur lui-même
je n'aurais plus que le jazz pour danser sensuelle les charmes survivances
j'aurais des cheveux volutes et un pas de danse oublieux de sa si grande maîtrise
un verre de whisky et une cigarette dans chaque main
un instant jazz sensuel à nos oreilles
une salle sombre noire très chère
un barman en smocking qui rangerait les dernières bouteilles hauts bordeaux et grands champagnes,
laisserait la bouteille de whisky sur notre table
pour la chambre d'hôtel où nous aurions fait l'amour comme on ne le fait plus : avec de l'oubli sensuel oubli
et lorsque je regarde tes yeux de jazz je vois la vie que j'ai oubliée et je l'oublie sublimement
en volutes sensualité
le cigare permet à la poitrine de se lever calmement 
et les seins durs contre le torse de l'inconnu de soie
on l'emmène entre ses jambes éteint la lumière

"Il s'assoit, et regarde l'axe flamboyant qui relie les cieux au sol" (JT)

Open some space
là haut tu pourra voir l'oiseau
under the tree stands the indian of my dream
I close my eyes and I see him
sous les paupières le sable du jour passé délassé, déplacé à demain
que ce lendemain s'ouvrent ses paupières à l'instant
où les miennes s'ouvriront
I am sleeping dreaming folding crumpling my dreams
les visages ravagés les places dévastées par le soleil de Madrid
Martini Rouge à 5h dans l'Après-Midi, la Magra jusqu'au sang et sueur une perle au creux des seins
du sable de la grand-place émane la chaleur qui ralentit les pas, clôt les volets, initie l'attente
I would like m'allonger m'allonger
torrida espera
quand allongée dans les draps blancs haga verter mi sangre
quiero gritar
mais tu ne sais pas comment faire tu ne connais pas la langue tu ne reconnais pas un seul mot pierdes
            avec les pierres de mes amants métamorphosés j'ai bâti la place de Madrid
hier fut érigée la statue de la victoire à la place Madrid
                  tous brûlés par le feu du sable    pero mi amants no saben gritar
j'ai ouvert tes yeux sur l'amande de mon regard   j'ai serré ton étreinte pour que tes bras n'(em)brassent plus le vide   tu as déserré les lèvres lorsqu'en ta gorge j'ai glissé le langage
tu sexo en mi sexo  si simple
et pourtant pourtant
je dois partir rejoindre la colline où le faisceau du ciel rejoint la terre embrase l'herbe sèche les coeurs dans l'alcool difficilement conservés  
j'ouvrirai les valves vulve terrestre séisme vaginal étude sismique de ton coeur
fréquence cardiaque irrégulière,  souffle lourd de l'été aux poumons,        bronchioles obstruées,  ramifications internes floraison du mal jusqu'aux veines de ton sexe sacrifié à ma gloire
quieres gritar
pero no sabes gritar no sabes lo que es
ich wollte dich helfen
aber du hast nicht verstanden
je m'en remets à la terre
pour qu'elle me soigne je m'y enterre
la terre est moins douloureuse que le ciel
la terre aveugle ich kann vergessen
j'ai une amie qui m'a ouvert un chemin de lumière
cette amie a un indien dans son coeur elle l'écoute et apprend sa langue étrangère
pour moi il n'y avait plus aucune langue ich hatte alles vergessen
à présent encore aucune langue sur ma langue
mais à l'oreille une musique d'amérique "native native"
so I try blowin' in the wind
be the wind be the wind
and I follow your breath
I close my eyes and I dream dream of my indian of my gypsy mon gadjo
mon étranger étranger étranger  mon étranger étranger étranger
puisse-je un jour être étrangère moi aussi

Sunny song

Open some space in my brain,
blowin' in the wind
when I am drivin'
bike and bike
without thinkin'

sun and sun in my brain
when I wash the sky with my eyes
blowin' in the wind
because I'm thinkin' about you

this type of you which is in the songs
in the sunny sunny songs
in the lovely songs
sun songs love songs

this type of you which is in our fantasy
in our sunny brains
- never in our eyes (never see you) (you you you)

but the sun in my eyes
and I am drivin'
bike and bike
along the river
sunny sunny river

and I'm not thinkin'
void brain space brain
blowin' in my brain

samedi 22 mai 2010


Tout ce que je ne peux pas crier


(laisser les  cris à l'orgasme)

retourner le rêve


Tu te souviens de ce rêve où les embrunts sur ton visage le dérouloir sans fin des vagues que tu supposes bleues la voix de ton amie jour nuit nuit jour et puis jour et puis nuit (ou du moins là aussi tu supposes)

finalement ce n'est pas elle qui te sert c'est toi qui la sert

il faut que tu aies été cadavre pour qu'elle puisse incurver ton corps de sa voix


chimère

A la croisée



Précision et profondeur : justesse.
A l'intervalle entre les hommes : l'humain.
A l'économie des mots : le mot.

Se tourne et se retourne dans son lit

C'est regard blanc traverse la lumière de la rue

C'est sa solitude comme pôle de vérité

unipôle

Parce que ses mots : mon magma noir devenu pure lumière
plus immatérielle encore

Parce qu'il est le verbe en moi           , et le nom

Parce que pur humain lui aussi    je ne suis pas sauvée

être au plein du jour (jour-nuit)


Le soleil ouvre le sommeil sur un ciel blanc où tout à tracer,
les sillons des avions les interrogations des nuages

Mes yeux eux ne s'ouvrent pas paupières lourdes de trois heures
le crâne chavire et me levant je titube ,
quittant le radeau de ma nuit 
mes pieds découvrant la terre incognita du sol ferme,
étonnés aussi qu'il y ait des chemins des couloirs ,
quand la nuit l'espace ne se dessine pas n'est pas même à dessiner

c'est dans cette nuit sans espace que l'on peut enfin avancer
ou plutôt (épanorthose) se déplacer se décaler
effectuer un mouvement qui n'annule pas le précédent
Un Escalier Esher : on peut être partout et de tout temps (de non temps)
Ce n'est pas l'absurde immobile yeux opaques trou à l'os même ravagé
C'est la circulation pléniaire libre de revenir sur nos pas puisque ceux-ci ne se sont pas évanouis
ainsi seulement on avance puisqu'on sait pouvoir reculer et que reculer c'est avancer aussi
et seul le mouvement garde du sens mais non pas un sens le mouvement n'a plus de sens il ne s'agit pas de reculer ou d'avancer il ne s'agit pas de direction il s'agit d'une signification pléniaire
alors on ne craint rien et l'escalier jusqu'au ciel blanc du jour
le soleil aux orbites
le sourire qu'on t'adresserait malgré nous - avec ce tu qui te va si bien 

Prêtes à prendre des radeaux en plein jour
avec le bois des radeaux les escaliers
escaliers qui ne montent pas même
escaliers qui se contentent d'être là
escaliers de présence pléniaire
là où auparavant on s'efforçait d'avancer 
dissolvant ainsi sous le pas la terre qu'on s'efforçait d'affermir

Soleil matin s'ouvre sur ma nuit
et ce n'est pas l'astre qui s'était éclipsé   mais les pétales aux yeux refermés
l'idée qui avait cru devoir s'échapper    quand bien même ciel blanc noir était en fait l'espace lumineux où l'on peut être sans repère

sans repère enfin


sans repère


sans repère depuis longtemps


depuis non quand


langue noire (langue somme)


Et dans ce corps qui avance le rythme de toutes les proférations de l'Autre pénétrées par la chair le corps qui engouffre l'âme les paroles qui martèlent le pas d'un poids appesanti

Quand on est somnambulique ce n'est plus en soi une langue en déliance ce sont les langues qui s'entremêlent s'enlacent se chevauchent se bousculent, se harcèlent se martèlent se percutent

collisions de toutes les conversations qui font notre langue

langue dont l'étymologie est liée à la gangue obscure de nos interpénétrations 


oui je parle de toi, de toi aussi, puis de toi encore,

de vous tous qui (d)écrivez les spirales de ma langue jaillie du gouffre

mardi 18 mai 2010

en stagnant, encore, en stagnant,


On n'avance pas on ne recule pas on est toujours au même endroit quand bien même cet endroit n'est pas
c'est toujours la même langue qui parle en soi qui dit ce qui manque à cette langue ses liaisons ce n'est pas même un morse avorté
on est en pleine mer et pas même une tempête
rien que cette marée noire stagnant au coeur
des mouettes gluantes vous picorent les yeux
mais puisqu'il n'y a rien à voir vous les laissez faire.    vous nourrirez au moins les mouettes.

lundi 17 mai 2010

blanc sur blanc - impression


Debout dans la lumière mon corps à angle droit - et je ne répondrai pas aux questions
de ceux qui ont toutes les réponses moi j'ouvre les yeux dans le noir -
non pas pour voir quelque chose dans le noir - mais pour voir le noir
la lumière c'est la même chose
noir - lumière
c'est mon corps seul axe vertical    et blanc
je ne suis rien que de l'ombre contre le soleil

parce que tu m'as laissée seule sur la terre,  en mer en naufrage et mon corps dressé c'est pour le phare au jour où peut-être tu tenterais de revenir (aborder la terre, pénétrer la crique).    sinon se faire sirène ouvrir les vagues et engloutir.

dimanche 16 mai 2010


vide vide vide vide vide vide vide vide vide vide vide 
vide vide vide vide vide vide vide vide vide vide vide vide
- et à l'écrire on sait bien qu'ici aussi on se leurre.

samedi 15 mai 2010


Pluie
Agaçante
Rageante, Ravageuse 
Torrentielle
Irascible
Électrisante
Lapidaire
Sacrificielle

Vanité !


La tête comme de crâne sous l'appui des coups et chaque coup est un mot qui traîne derrière lui sa queue de mots venant tous grouiller ruiner la matière molle qui se dévore
Les mots sont des pistolets chargés on a tiré sur mon crâne et ce n'est déjà plus du sang qui jaillit mais les derniers grammes d'un gris à moitié séché qui s'écoule par toute cavité ouverte. et par le trou. les milliers des trous forés par les mots.
Cette tête d'os bientôt vide d'être si pleine, on la dépose sur un linceul de jeune mariée, souvenir baroque d'un temps qui ne fut pas, amour de loin d'un lieu qui ne fut pas, 
on la dépose on voudrait métaphore
mais non rien rien rien qu'une bonne tête fatiguée, aux joues rouges et aux yeux qui ne voient rien.
une tête ni pour la mort ni pour l'amour,
ni baroque ni Racine ni Shakespeare,
juste une tête qui roule dans l'oubli.


mercredi 12 mai 2010


Je plonge les mains au vin de ma fatigue et c'est ce rouge que je porte au visage - 
des larmes qui coulent comme de sang
et lorsqu'on sourit c'est cette bouche édentée qui répond

parce que trou noir trou noir -  et puis rouge


A te lire je m'endors enfin - enfin je m'endors dans le rêve qui t'éveille


cet écho comme s'il avait fallu un double à cette nuit isolée : mais où est l'axe de symétrie ?
le point où je pourrai jeter l'ancre nocturne ?



nuit blanche involontaire en écho à nuit blanche volontaire d'il y a deux semaines

alors on prolonge la lecture par une autre lecture

après la nuit il y a l'éveil

mais le grain du papier toujours semblable - et l'on sent que c'est là le grain de la peau


05 h 23   je me lèverai au jour et mes rêves n'auront été que ceux circonscrits par 26 lettres

- lettres au nombre limité mais qui cependant ouvrent des rêves

- par des lettres juxtaposées, parfois même par des fenêtres séparés, les rêves se sont cependant embrassés abouchés

j'écris dans leur haleine et cette odeur. je ne cherche point à la chimiquement décomposer. je laisse entrer en moi ce que ces vingt six clefs conservent incompréhensible et par ces vingt six mêmes clefs j'ouvre l'abondance de mes lèvres encornées et retrace de ces bâtonnets l'incompréhensible qui m'est dicté.

(j'entre en confession : je me mets au service de l'Incompréhensible.)


04 h 55    j'égrène les secondes de ma nuit
le sable se sédimente et je sème les cailloux dans ma course
à la Grande Ourse j'ai bifurqué, dans mon dos les étoiles à mon regard l'opacité noire
je dois inventer ce que mes yeux pourront voir
Alors je gratte la page pour faire apparaître des morceaux blancs

Ce qui reste de noir : les lettres que vous venez de lire.


Echange, rencontre

absolument dépourvue de sommeil   . 4h16 et nulle sensation .  que la faim au ventre et une vague nausée .

l'envie de commencer de tout faire   quand on sait bien que le lendemain les paupières clouées aux orbites on ne pourra rien faire .   comme de la colle .

temps oisif entre éveil et sommeil - où lire ferme les yeux sans que ceux-ci rencontrent la nuit.

alors écrire : seul moyen de se fixer dans le temps, seul moyen de fixer ce temps, seul moyen de ne pas le perdre.

de ne pas se condamner face à l'inutilité de nos secondes, à l'amorphie de son cerveau  dans le siècle de cette nuit
cerveau qui coulerait dans la nuit d'encre - de là peut-être des nébuleuses d'étoiles et de galaxies, tourbillons de la tourbe cervicale,  trous noirs beaucoup de trous noirs


Alors ce soir je mets ma nuit entre vos mains
Ce matin je donne ma nuit à votre lecture et qu'elle la puise - que ma nuit soit recueillie par vous de n'avoir pas été
(j'ai l'espoir)
qu'elle soit excusée, ma nuit, ma pauvre nuit de mendiante au sommeil, 
ma petite marchande d'allumettes qui les fait toutes brûler sans succès (le noir ne vient pas).
ma petite mendiante de sable.

Qu'elle soit recueillie par votre matin clair
qu'elle vive les premières lueurs du jour   ( lorsque malade d'attente je dormirai
qu'elle soit dans vos jambes dans votre regard
qu'elle parcourt les rues traverse les trains
soit traversée des rails de votre matinée.

donnez-moi la vie là où je la laisse filer.
je tisserai vos nuits si vous filez mes jours -
c'est une association que je vous propose, une liaison de fil en fil   peut-être y parviendrons-nous :
saisir en un regard le Soleil et les Etoiles

Pierrot lunaire


Collision de ma nuit contre la nuit

- j'ai oublié comment fermer les paupières entremêler les cils

j'entends mon coeur battre la mesure -

nous avons créé le temps à la mesure de notre coeur :

du battement la seconde et tout ce qui s'en suit

Peut-être avons-nous fait venir le temps pour combattre l'angoisse de cette mitraille qui nous tiraille, de cette chair dans la chair qui martèle

Pour expliquer ce qui en bas frappe de son poids
et promettre un jour la chute de ce poids alors inerte - qui ne frappera plus.

Nous avons créé le temps pour être sûrs de mourir

Face à cette éternité de la répétition : répétition éternelle - qui dépassait notre entendement


Alors peut-être notre coeur s'est laissé tromper par ce temps 
Et à la contemplation de son reflet, découvrant l'éternité, il se figea de stupeur.