vendredi 30 avril 2010


Il se pourrait qu'il y ait en moi une certaine symétrie verticale : que mon pied soit aussi fêlé que mon crâne.

Le nettttt


Internet est le lieu où l'on cherche et où l'on trouve tout sauf ce que l'on cherche. D'où sa richesse. Et ce d'autant que - ce que l'on trouve accidentellement nous amène nécessairement à chercher encore d'autres insolites.

déplacement


J'étais hier sensible au mystère d'une oeuvre, je suis aujourd'hui plus sensible encore au mystère de la toile qui relie (actuellement ou potentiellement) une pluralité d'oeuvres - et pas seulement celles d'un même auteur, ni même celles d'une même mouvance : toutes celles de la littérature.

(note pour mes recherches)


"(...) ces deux types de lecture, l'une centrifuge, déconstructionniste, l'autre centripète, herméneutique, ne révèlent-ils pas les deux faces indissociables de l'oeuvre de Blanchot, ce qui en fait son insaisissable complexité et sa force multiple de contestation ?" 
Jérémie Majorel, « Blanchot et l’herméneutique : une relation accidentelle », Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 4,L’interprétation, décembre 2003 [en ligne], mis en ligne le 28 janvier 2009. URL : http://traces.revues.org/index3843.html. Consulté le 29 avril 2010.


Fantastique



Me lancer dans l'écriture fantastique serait pour moi tendre vers la peinture d'Edward Hopper.


: Le fantastique c'est Edward Hopper.


je ne sais rien : je nais à la littérature


Un écrivain : ce "lieu vide où s'annonce l'affirmation impersonnelle".  - il est à la dictée

jeudi 29 avril 2010

Quitter


Elle avait décidé de vendre sa matière femme au moins offrant.  Il s'agissait de se débarrasser au plus vite de ce surplus de chair, d'émotion.

Cependant, ce qui l'embarrassait elle, embarrassait tout autant les autres.

Il lui fallait ôter ce manteau de femme pour partir en mer, commercer avec les forces célestes et marines, grimper aux cordages et crier sa petite force humaine de bien haut.

Puisque sa chair ne trouvait pas d'acheteur, elle l'attaqua elle-même, à même la peau par des coups de silex taillés pour la chasse et le feu,  et parvint peu à peu à la réduire à peau de chagrin.

Elle coupa ses deux seins et les offrit aux méduses.

Brûla ses cheveux et enjamba la passerelle, partit pour le royaume où seuls les hommes savent disparaître.


Certains racontent qu'elle devint un homme et disparut elle aussi. D'autres prétendent qu'elle resta femme et continua là-bas, au pays des hommes, à chercher vainement celui qu'elle avait perdu.
                                        

sortir dans la ville

Lorsque l'on sort dans la ville après une journée plongée dans l'étude et que l'on voit autour de soi les gens rire, les enfants courir, des amis aux terrasses des cafés, des arbres et des herbes vertes,     on se dit que l'on voudrait bien participer.

Cependant on est alors trop fatigué pour rejoindre ce mouvement, on est trop seul aussi,  et puis les pieds et les yeux sont enflés;
enfin : la langue qui parle en nous n'a rien de commun avec celle qu'il faudrait pour rejoindre ceux du dehors.

on a désappris tout le jour le langage commun et la fatigue fait à présent en nous un grand vide où la langue spéciale du jour est elle-même ruinée, réduite à l'état de bribes obsessionnelles - qui hante en nous ce qu'il reste d'éveil (pas même de force).


mercredi 28 avril 2010


A présent la marée noire a envahit le ciel et je me guide à travers flots et mots à la lueur d'un phare lunaire, seul dépositaire d'une quelconque présence.


Au nord, je vois la marée descendante de l'eau verte du ciel, conquise par les grains de nuit de la plage.

la marche du sel


Il y a longtemps déjà que j'ai commencé à décloisonner l'espace de ma vie.  

Cela a commencé en mangeant debout. J'ai troqué l'assiette pour le bol et la fourchette pour la cuillère. Puis, je suis sortie devant chez moi. Le lendemain, j'ai poussé le portillon et je suis sortie manger dans ma rue, pieds nus ou en chaussons, tantôt assise tantôt marchant. Peu à peu j'ai poussé une rue plus loin, puis l'autre. Aujourd'hui, bien que boîtante, je suis parvenue à la lisière de la forêt.

Cette attitude est d'abord née d'un besoin - d'un besoin d'air, de mouvement, de vent, de liberté.

Mais ce pourrait aussi être un acte politique - contre les conventions prises pour la nécessité (l'illusion de la "première coutume" dénoncée par Pascal), contre les convenances, contre l'enfermement (en bureaux, en maisons, en quartiers sécurisés, en salons-télés...), contre la propriété (contre l'excès de propriété), contre la séparation, contre l'incommunication entre les hommes et des hommes aux choses.

L'acte politique rejoint ma première nécessité : je ne supporte pas et ne veux pas supporter d'être coupée (de m'extraire) du monde dans ce qui lui reste de dérisoirement naturel - aux ruines de nature je m'accroche, et contre ceux qui disent que la nature est nulle part je leur réponds qu'elle est partout, partout changée mais partout toujours - et que l'homme lui-même est naturel - le béton est naturel : des matériaux naturels maniés par l'homme, être naturel.



mardi 27 avril 2010


J'ai traversé la nuit - je ne suis donc peut-être plus tout à fait au bord - ou, rejetée sur le bord, du moins ai-je traversé - quelques heures.

Foirades - IV (Beckett)


"(...) Trois ans dans la terre, ceux qui échappent aux taupes, puis dévorer, dévorer, dix jours durant, quinze jours, et chaque nuit le vol. Jusqu'à la rivière, peut-être, ils partent vers la rivière. J'allume, j'éteins, honteux, je reste debout devant la fenêtre, je vais d'une fenêtre à l'autre, en m'appuyant aux différents meubles. Un instant je vois le ciel, les différents ciels, puis ils se font visages, agonies, les différentes amours, bonheurs aussi, il y en a eu aussi, malheureusement. Moments d'une vie, de la mienne, entre autres, mais oui, à la fin. Bonheurs, quels bonheurs, mais quelles morts, quelles amours, sur le moment je l'ai su, c'était trop tard. Ah aimer, mourant, et voir mourir, les êtres vite chers, et être heureux, pourquoi ah, pas la peine. Non mais maintenant, seulement rester là, debout devant la fenêtre, une main au mur, l'autre accrochée à la chemise, et voir le ciel, un peu longuement, mais non, hoquets et spasmes, mer d'une enfance, d'autres ciels, un autre corps."

C'est à la lueur d'une page un peu plus claire que les autres que je devine, derrière ce qui semblait être le développement ingénieux d'une idée (une idée du désastre), l'émotion, le désastre qui est dans le coeur même de celui écrivant : non dans son projet mais dans les faits (internes, externes - l'Histoire).

lundi 26 avril 2010


je suis repartie femme pressée femme pressée : gorgée de soleil : gorgée de force.
j'ai peur de tout mais tant pis. j'y vais.


J'ai décidé d'attendre à être prête : me préparer.


- je suis au bord de choisir la littérature -

Pleurer en lisant un essai littéraire : c'est L'Ere du Soupçon (passage à propos de Kafka) auquel je me livre sans doute aucun, pleinement . et sous lequel je disparais.  n'étant pas même le support que sont les personnages. ou me glissant dans chacune de leurs ombres. transparente leur opacité devient ma seule épaisseur.


angoisse


je ne sais pas où dormir
                                      peut-être manque-t-il à mon corps le corps où disparaître
                                                                                                    les mots où mourir

dormir me semble impossible.
                                            et je hais l'éveil où je me trouve.
où disparaître ?


Ainsi si je pouvais choisir une vie:ce serait une non vie:une vie qui s'effacerait dans la vôtre


Quels mots pourrais-je avoir ?  : les larmes m'étouffent


Ma vie à pleurer la lumière de vos ombres,  tant je tremble au moindre geste, à la douleur qu'il porte
Tant il me semble être née pour porter votre douleur, pour porter votre geste, pour clore vos paupières lorsque les yeux sont fatigués d'avoir trop pleuré
Tant vos larmes font ma respiration
Tant je vis pour redoubler vos larmes et ainsi les faire plus légères

Je suis vos os vos chairs votre muscle,  je tressaille au moindre geste,  rêvant ton regard

Je cherche vos mains pour en imprimer chaque ligne sur mes yeux clos
Ainsi tracer un sillage à vos larmes
qu'elles soient elles aussi nervures nerfs jusqu'à mon coeur qu'elles irriguent

Je ne peux être autre que vos gestes tant ceux-ci sont déjà seuls douleur douleur
je suis le redoublement et je suis l'effacement
Ce sont mes sangs dans vos larmes - et vous l'ignorez.

Transparence


Je ne suis pas résistante , je suis de faible épaisseur , mon ombre se coule dans l'ombre plus épaisse qu'elle rencontre - je suis au bonheur de ne pas exister dans l'existence d'un autre.
Je cherche toujours à disparaître - disparaître dans l'ombre projetée la plus grande à mon regard.
Disparaître dans une contemplation de l'intérieur -
devenir l'ombre dans l'ombre , comme un peu:mourir perpétuellement , à te regarder dans toutes les nervures de tes pensées et de tes gestes, de tes sursauts, de tes peurs oubliées.
A sentir ton irréalité dans l'intérieur même de mon corps moi qui suis moi-même dans l'intérieur de ton corps, de tes battements , de ton ombre.
Comme tu n'as pas de contours définis, le monde est noir indistinct.
Pour moi je ne suis pas même une ombre : je suis l'ombre qui dort dans ton ombre, je suis le berceau qui t'accueille et dans lequel tu te reposes sans le savoir.
Je suis l'ombre de tes gestes, de tes sursauts,
je suis le je qui dit tu,
qui n'écrit pas.



dimanche 25 avril 2010

au crépuscule, échec

L'écran blanc s'ouvre en fenêtre sur la nuit, écho silencieux à la lune dévorée,

les arbres ne se distinguent plus en dentelles noires sur le ciel et je ne distingue plus même mes doigts sur la marelle du clavier.

J'ai été tout à l'heure poser ma tête sous l'énorme ciel , offrande au dieu d'étoile , mais elle n'a fait que bouler au bas du champ.


Une semaine seule dans le soleil : bonheur

Ne me juge pas

Le soleil irradie mon corps de transparence.il ne reste plus de chair, aucune épaisseur.toute la matière pensée se délite de rayon en rayon plus encore, et je ne suis plus là. ne juge pas cette image sans profondeur ; elle est sans rapport avec moi. mon regard est d'hiver, l'été il se repose au lit de la rivière.    l'été je suis livrée au cosmos,  aux hommes sans conséquences,  à l'Astre qui est le seul dieu, celui que j'adore sans raison qui, énorme, se substitue à mon crâne et brûle toute réflexivité au dehors.   l'été je me fais prisme de la lumière,  prisme à l'incandescence du mercure jaillissant.
L'été c'est mon corps livré à l'Astre énorme et l'on ne peut rien me demander.     je ne suis qu'à la contemplation de l'Astre, Astre qui se substitue à ma tête, énorme.
la matière grise fond et l'hiver c'est elle que je peux alors à nouveau modeler, 
                                                        que je frappe et que je sculpte,
                                                                      que j'entaille que j'élève.

Le mois de novembre place deux petites pierres bleues sur les orbites creuses.   Par là tu peux me regarder.

NB après Du Goudron et des Plumes (Mathurin Bolze et la Cie MPTA)



Le cirque contemporain crée un monde possible, une fiction du monde, où les mouvements "naturels" ne sont pas ceux de la marche et de la langue mais ceux du corps tout entier dansant toujours, hésitant, s'élançant et tombant, volant enfin.
De fait. 
Le monde tel qu'il devrait être s'il était laissé à son mouvement naturel et non contraint, immobilisé par le carcan des convenances.et le corps ramené à trois positions : assis, allongé, debout.
Sur un radeau volant les lois physiques sont changées -
ce sont aussi les rapports d'homme à homme qui ne se lient plus par la langue et le faciès à peine mobile,  mais s'inventent en poids-contre-poids, en portés-jetés-appuis,
le vent seul parfois guide les mouvements - hors de lui toute liberté : toute créativité.


samedi 24 avril 2010

Regard incendié de cendre brûlé(e)


Là où règne seul ton corps décomposé s'étalent les plaines de soufre de bitume d'or à la violence poreuse
où que les pieds se posent ils sont brûlés par tes cendres partout éparpillées

je regarde le cadavre frêle qui ploie sous le poids de mon corps de sang gonflé
tu es sans épaisseur à présent
tes yeux mêmes sont deux fosses au creux desquelles on ne puise rien
l'amour que je te fais est sans rapport avec toi
on ne peut pas me dire : tu l'as aimé.

ton cadavre règne sur les plantes, les esprits, la vermine.

les arbres se plient à ton autorité,  ploient sous la couleur grise de tes membres, terrifiante.

tu es le macabée des terres brûlées

autour du corps gris, osseux, s'amassent les chairs d'or brûlé de la terre,  les récoltes de quinze années,  les oiseaux aux ailes arrachées virevoltées déposées sur tes terres en offrande.

ton petit crâne infect et tes sarcasmes rutilants, font grincer les arbres comme des portes hantées

nul ne tremble pourtant

je suis votre humble servante

, je creuse la terre d'absence d'ongles   j'engouffre la terre dans mon corps puisque ton corps . certains ont cru. engouffré dans la terre.  j'amasse la terre dans mes poumons tu as voulu déployer ta mort en chaque corps : vois, je prépare ta couche au fond de ma gorge, jusque dans mon ventre. 
                                                   viens, viens, puisque tu es partout
on ne se satisfait plus de ton omniprésence,  il faut que tes coups portent et que l'on crie de douleur
                 tant qu'à être sur tes terres et ne pouvoir sortir
     frappe-moi plus fort    dis-moi le piétinement de moi-minable
brise-moi les os de tes os cassants    et gris encore        cloue ta langue putride là où la langue ne passe plus

nous sommes tous tes serviteurs ;   fais-de moi ton harem mortuaire

colle mon corps contre la terre que décompose ton corps,   que mes cheveux soient rongés de scarabées, mêlés de paille de souffre, de ton haleine putride de ton souffle pervers,

fais-moi bouffer à même tes cendres étouffe-moi par ton corps même qui tombe en cendres dès que l'os d'une jambe pénètre dans ma gorge

je ne veux plus voir ces arbres qui te servent,  anciens rois devenus domestiques d'une ombre,  je ne veux plus marcher sur ces terres qui sont autant de tes cendres calcinées,

la mare est un orbite creux où ne s'amasse plus que la vase et sa vermine

le ciel lui-même à ton service pèse sur ces terres et nous y condamne



Je ne puis que continuer à baiser ton corps où que je marche

     ;  lorsque mes rotules se romperont je serai calcinée et mon cadavre sera le tien.


: mon cadavre sera ton cadavre.

vendredi 23 avril 2010

Trou


Si je laisse ces jours-ci les pages blanches invisiblement s'accumuler sur mon blog, c'est que je laisse les mots me noircir de l'intérieur, s'imprimer sur les différents écrans intérieurs qui me composent - et à partir desquels je compose.

Ces jours-ci je lis et ne ressens pas le besoin d'écrire.

Cependant ces lectures ne peuvent qu'agir sur mon écriture - ce sera une gerbe nouvelle de ces textes passés et repassés lorsqu'à nouveau. j'écrirai.

samedi 17 avril 2010



    - une demi-heure juste avant les forêts - 


Journal littéraire 4



Si le lecteur ne fait que reconnaître des signes au sein de la masse grise du journal, apprend-t-il quelque chose ? la communication se noue-t-elle réellement ?

Certes, faire reconnaître quelque chose à quelqu'un, c'est déjà lui apprendre à à voir en lui, à se connaître lui-même (à connaître tout ce qui du dehors s'était déjà introduit en lui).
Cependant, la communication se ferait alors par analogie, par un mouvement de parallèles et non par des droites des courbes qui se croisent. auteur et lecteur ne se croiseraient pas.

Peut-être, cependant, le lecteur peut-il aussi découvrir des signes (et surtout leur référent) dont il n'avait jusqu'ici aucune connaissance. Ce mouvement se ferait par une légère extension de croissance, par une légère excroissance, depuis cela même qu'on connaît déjà, qu'on a pu reconnaître par le mouvement d'analogie.
Ce serait alors un minuscule pas vers l'autre (minuscule dans les faits, mais immense peut-être, non seulement symboliquement mais aussi dans ses conséquences factuelles).
Ce petit pas serait fait par le lecteur, mais il découlerait du mouvement d'analogie qui, lui, a été permis par l'auteur.

Je ne m'avance qu'à des hypothèses.


Peut-on rêver un déchirement de lumière, une découverte fabuleuse, une rencontre frontale brutale ?



Journal littéraire 3


 Journal dans lequel on peut entrer et à la porte duquel on est toujours après même être entré.

Le journal que l'on publie soi-même, volontairement - et peut-être plus encore lorsqu'il s'agit d'une publication internet, au jour le jour ou presque

C'est exposer et retenir 

exposer et retenir cela même qu'on expose

Le journal littéraire (conçu comme oeuvre littéraire - même si cela n'est qu'à petite échelle) n'est pas un simulacre où l'on créerait une intimité que l'on ferait passer pour sienne.

Chaque mot naît du jour que l'on a soi-même intimement vécu.

Pourtant nous ne donnons pas à violer notre intimité - celle-ci reste inviolable.

Je ne parle pas ici du fait de ne pas publier ce qui est de notre jour (de nos jours et de nos nuits) le plus intime - cela bien sûr nous pouvons le faire, nous le faisons
- mais puisque cela reste hors journal, ce n'est pas une intimité maintenue là-même où elle est exposée et, plus largement, cela ne concerne pas une réflexion sur le journal (ou seulement de manière périphérique).

Non il s'agit de cette intimité même qui se donne dans le journal et dont pourtant le lecteur ne peut tout à fait s'emparer.

Pour le lecteur, le journal n'est pas clarté des lignes et des lettres mais masse grise où l'on s'enfonce, où l'on fouille, et où l'on trouve parfois quelque trésor noir, quelque signe qu'on ne fait en fait que reconnaître.

L'intimité est sauvée dans le journal car elle y est dans une certaine obscurité où la vision varie, peut être éclairante, mais où le plein jour ne se fait jamais tout à fait pour le lecteur - et peut-être même pour son auteur.

L'auteur disperse sur la page des choses et des clefs - toutes les clefs sont là mêmes - mais on ne pourra jamais toutes les trouver.

Ainsi l'auteur se donne et se préserve dans un même mouvement.

Le journal est un acte de communication au sein duquel la solitude même est sauvée.

Le mouvement vers l'autre et le mouvement vers soi (qui est moins un mouvement de jambes qu'un mouvement de bras, que l'on referme sur soi en vase clos, en berceau protecteur) se confondent alors même qu'ils sont inverses.


...tu...



S'adresser à un tu n'est pas nécessairement s'adresser à un tu rêvé dans toute sa forme, dans sa silhouette entière
Cependant, c'est rêver cette adresse c'est s'adresser dans une adresse rêvée et par là-même former un tu rêvé, sinon entièrement, du moins à la mesure de l'adresse : la forme du tu doit être moulue à celle de notre adresse.
Le tu porte alors l'ombre de notre adresse, docilement il s'y glisse et perd la consistance du tu "réel".


vendredi 16 avril 2010

Islcendre


Ciel blanc non pas de soleil pâle comme on pourrait le croire - de cendres blanches suspendues aux atomes dispersés aux nuages accrochées - à peine.

Glace en lumière,  rayons des nébuleuses arctiques des mers du nord aux orques et narvals de suie 

C'est une matinée sans hommes qui s'est ouverte sur le monde

il n'y a plus de regard à porter, plus de direction même s'il y avait un regard il serait tourné vers lui-même - yeux troués, affreux.

Le monde en pointillés blancs sur ciel blanc   blanc blanc noir    comme sans hommes nulle distinction   couleur couleur non couleur  le blanc de noir de noir de blanc    seules des cendres qui font le monde de glace,  désert atemporel sur lequel je ne devrais pouvoir porter mon regard,  exclus.

Hiroshima sans les hommes,  le volcan seul au coeur creusé des glaces.  glaces des cendres des cendres - des traces d'effacement.

Dissolution dans la glace cendrée   - depuis toujours ce jour en moi dissout en lui dissoute.  
J'attends ce jour et sa venue ne rompt point mon attente : il est depuis toujours advenu - l'aujourd'hui dissout dans cette attente sans temps.

L'Islcendre comme ventre du monde, lisse et rond, totalité infinité. Fantasme de mon ventre et de ton ventre, de leurs ventres, de nos ventres.  Fantasme des cendres qui viendrait tous nous absoudre d'exister. nous effacer.



Où entre la lumière en écart fusait le noir...



Les mots sont des cendres déposées en moi   

             des empreintes sur la peau effacée

des os de cendres blanches   le corps comme cimetière animal    aux défenses brandies qui jaillissent des muscles à peine - des survivances de muscles


  imprégnation des poumons mêmes qui ont cherché dans l'air ce dépôt mais aussi - le résidu de ce dépôt : l'air même.


Tout texte est d'outre-tombe : passé déjà.

Je fais de mon corps l'amphore de vos mots - pour qu'ils s'y déposent je m'absente.

Je fais ainsi trésor de cela même qui est absent - qui s'absente déjà : la moindre trace portant en elle son propre effacement.

Je m'efface pour que l'effacement puisse se faire en moi et y laisser trace      - je ne suis que trace de vos effacements. Cendre blanche - halo pâle, indistinct.


aux/des yeux stupides la bouche répond



Il me semble pouvoir écrire - mais non pas lire.
Et pourtant : pourrais-je écrire si je ne lisais pas ?

C'est que je lis endormie et que seule l'écriture matérialise et certifie le rêve qui en moi s'est plongé et me ronge.


La littérature comme philosophie


La littérature serait une philosophie qui ne se soucie pas du vrai.
- ou qui envisage le vrai comme possible et non comme est (que le "est" soit essence ou existence) (tout étant possible).
Ou peut-être un vrai subit et particulier - et non intemporel et universel.
Ou un vrai qui pourrait être réfuté, qui pourrait être faux aussi.
Un vrai qui serait celui du locuteur et serait en cela seul (ou plutôt : en cela déjà et comme condition suffisante) justifié, validé.
J'écris/je lis pour chercher ma vérité (mouvante sombre lumineuse) - foin de l'arithmétique du vrai.

Le simulacre du pronom


Dire (écrire) tu, c'est dire un tu rêvé, un tu tel qu'on voudrait qu'il soit
Dire tu, c'est projeter ses désirs dans un tu
Dire tu, c'est se projeter tout entier dans ce tu
Ainsi dire tu c'est dire je - et se dissimuler cet égocentrisme (se le dissimuler à soi-même, non pas à tout autre)

Je pourrais dire il : mais ne serait-ce pas alors un il qui dissimule un tu qui dissimule lui-même un je
Faut-il pour parvenir à un il(s) véritable (ainsi, peut-être, qu'à un tu véritable) passer par le je assumé (et peut-être l'épuiser ?) ?

Ou peut-être faut-il avant tout pouvoir dire nous : ne pas simuler son effacement et assumer sa propre présence, mais ne pas annuler et annihiler l'autre en soi (le nous doit ainsi veiller à ne pas assimiler l'altérité à soi-même).
Le nous est peut-être celui qui présente le plus de risques de faire disparaître l'autre en soi : cependant, le risque étant si grand, il en est particulièrement visible, et conséquemment prend-t-on peut-être plus garde à l'éviter...

En toute situation, veiller à son énonciation - et quand les pronoms n'auront plus rien à nous (me!) cacher (excepté un précieux résidu de mystère), porter son regard vers le verbe : vers le temps (et?).

mardi 13 avril 2010

Les Métamorphoses du vide

http://www.myspace.com/chapelierfou

Oscillations de lumière   les yeux fermés pourtant   le mouvement comme une eau qui revient sans cesse sur elle-même  qui lisse tes cheveux
le regard s'arrête un instant sur la larme
puis à nouveau mouvements incessants d'une âme à l'autre s'esquissent des rayons où s'accrochent les étoiles du regard jeté jusqu'à toi et je m'accroche à ton coeur comme au rebord du pont mes jambes se balancent je chavire et ton coeur dans le mien chavire à ma suite
tous deux poissons d'argent dans le canal on s'enfuit les étoiles à notre suite jetées dans l'eau courante sur un lit de graviers oubliés de souvenir de graviers de souvenir de coquillages et l'on nage dans une fuite de perspective rejoignant le lit horizontal de la masse solaire devenue eau
les algues dessinent des boucles d'archaïsme dans tes cheveux mêlés elles dessinent ton sourire et le mien qui l'embrasse
le monde est vert et bleu dans les canaux du ciel pléiades inachevées que l'on s'envole pour dessiner
tu m'offres un pinceau et en quelques brosses je peins des mèches noires à la nuit rideau d'obscurité que l'on ne peut plus écarter

Valse aux étoiles tes bras larges comme la nuit
tes poumons des ailes à mon coeur
nous volons constellation nouvelle dans le canal St-Martin.

Illettrisme

L'illettrisme serait le monde aveugle, masse noire des lettres sans distinction aucune. pas des traits mais des masses. pas des formes. de l'informe.

Je vois des signes, je sais qu'ils sont signes et que je suis un de leurs destinataires, mais je ne peux les décoder, les "désigner".
J'ai en permanence la conscience que je peux perdre ce qui pourrait m'aider, alors même qu'il se présente à moi.
Dans la ville, sur les panneaux d'affichage électroniques ou papier, on peut lire : "Ecrivains publics tous les mardis et jeudis à la mairie, de 10h à 17h".

Tant le monde est (devenu) un langage codé. tant sont exclus du monde ce qui n'en ont pas le (dé)codage.

On avance les mains tendues devant soi dans la lumière du jour on tâtonne.on cherche.on bricole.

on se heurte. on est heurté.  par ce codage qui s'est surraposé au monde.nous le verrouillant.sans indiquer où se trouvent les clefs.l'indication étant codée elle aussi.amère ironie.

langage ?

"Peut-on encore parler de langage lorsqu'il n'y a pas détour, lorsqu'on ne fait que livrer brut ce qui se montre déjà ?
Et pourtant, la danse ne parle-t-elle pas à notre corps mais aussi à notre "âme" ?"
On pourrait répliquer (je me donne de fait moi-même la réplique), que le monde brut ou les choses du monde peuvent elles aussi toucher notre "âme", et qu'elles ne sont pas pour autant langage.

Cependant. ne nous touchent-elles pas lorsque l'on voit en elles le signe de quelque chose d'autre qu'elles mêmes ?
Le monde ne nous touche-t-il pas en ce qu'il est chargé de tous les symbolismes que nous y avons investi - collectivement (et historiquement), et, à moindre ampleur, individuellement ?

Aime-t-on la beauté brute d'un arbre ou aime-t-on sa verticalité qui relie le monde des hommes à celui du ciel (et d'éventuelles divinités), les ramifications de ses branches qui nous évoquent la diversité des parcours et des choix, l'écorce qui découvre en quelque blessure ses nombreuses couches et matérialiserait ainsi "la face cachée des choses" ?

Où découvrir la source de notre émotion ?
Nous rejoignons là une question déjà mainte fois posée (mais y a-t-on répondu de façon convaincante ?) : qu'est-ce que le beau ?
Toutefois, la question que je pose est plus large que celle-ci : qu'est-ce qui provoque notre émotion (le beau est loin d'être l'unique source d'émotion, et ce d'autant plus que les émotions sont elles-mêmes plurielles) ?

Peut-on être ému par des choses qui ne signifient rien pour nous ?
Il me semble aimer l'arbre en tant que chose brute ; mais comment le justifier ? n'est-ce pas une illusion ?
Peut-être aime-je l'arbre brut en ce qu'il signifie pour moi qu'on peut avoir contact avec des choses, et non seulement avec des signes. Peut-être aime-je l'arbre brut en ce qu'il signifie pour moi que je peux aimer des choses et non seulement des signes. Peut-être aime-je l'arbre brut en ce qu'il signifie pour moi qu'il ne signifie rien.
Je traduis tout en langage, en significations. Ainsi l'arbre brut signifie instantanément (et atemporellement) quelque chose pour moi. Au minimum, il signifie qu'il ne signifie rien. Et face à cette merveilleuse constatation, instantanément je pense, je langagise, je signifie.

Tout serait alors langage, et demander si la danse est un langage serait une question sans pertinence.

Pourtant, je sens bien que la danse a quelque chose qui est "plus langage" que les choses brutes du monde. Pour le démontrer, il me faut donc déplacer l'axe de mon interrogation.

Ou alors.

la danse serait langage plus que les choses brutes car elle signifierait d'elle-même autre chose qu'elle-même, parce que la signification serait en elle et non seulement dans la lecture qu'on en fait.
Cependant non. qu'est la danse sans regard porté sur elle ?


En fait, mon raisonnement est faussé dès le début. J'ai posé comme postulat que le langage était source d'émotion (partant de l'idée qu'il "parlait à l'âme"). Mais est-ce cela ?
Qu'est-ce que le langage ?
signifier autre chose que soi-même. une chose parle lorsqu'elle signifie autre chose qu'elle-même ?
Le langage écrit ou parlé (que nous avons appelé précédemment "langage par les mots") serait alors le langage par excellence, en cela que les mots signifient d'abord autre chose qu'eux-mêmes (ils renvoient à un référent), et dans un second temps seulement, sont ensuite parfois considérés pour eux-mêmes (leur forme, leur musicalité, etc.).
La danse serait peut-être tout autant chose brute que langage : elle serait mouvements appréciés en eux-mêmes, pour leur forme, et dans un même temps considérés pour ce à quoi ils réfèrent - la danse fonctionnant sur des codes (la rapidité et l'énergie d'un mouvement pouvant par exemple signifier la violence, la colère). La danse se distingue aussi du langage des mots par le fait que son codage ne soit pas aussi précis que l'est celui des mots.
Tout art serait langage - mais langage dans les mêmes dimensions que la danse, et non dans celle des mots : tout art serait à la fois forme qui vaut pour elle-même et qui renvoie, par le biais d'un codage relativement lâche, à d'autres choses qu'elle-même, qui signifie.
Les choses brutes du monde ne seraient pas langage car, n'étant pas faites par les hommes, elles ne seraient pas investies à leur création de significations.
Quant aux objets faits par les hommes comme objets utiles et non comme objets d'art, ils ne seraient pas langage car les hommes auraient négligé de leur donner signification lors de leur création.

Bilan : 
La danse est considérée en elle-même, mais la danse renvoie aussi, de même que le langage par les mots, à quelque chose d'autre qu'elle même (et signifie donc par décollement), et c'est en cela qu'elle est langage.
Cependant, ne revient-on pas là à une banalité qui évince cela même qui avait suscité notre réflexion : la différence de rapidité entre la langage dansé et le langage parlé ?
La différence de rapidité (de rapidité possible, car la danse peut aussi faire le choix d'être très lente. ce que j'entends, c'est que les gestes faits peuvent être plus rapides que les gestes dits, décrits par les mots, comme cela fut démontré dans "Formes brèves") tiendrait peut-être seulement au maillage plus lâche du codage du langage dansé - la danse valant plus par son rythme et sa tonalité, par le flux de ses phrases, que par le détail de chacun de ses mots. la danse se passant d'articles, n'étant que successions nominales ou verbales. Les mots pourraient peut-être être aussi rapides que le corps, s'ils ne cherchaient pas à être chacun compris avec précision mais seulement à être compris dans un ensemble (l'ensemble de tous ces mots). Ainsi, la danse pourrait être rapide car elle se satisferait d'une compréhension approximative (d'une signification approximative) - pas toujours mais en l'occurrence, dans "Formes brèves", oui.

N'ai-je donc fait que tourner en rond et poser des fausses questions ?
Tout à torpiller ? Qu'y a-t-il à sauver de ces réflexions ?

lundi 12 avril 2010

Langages

"Formes brèves", chorégraphie de Lia Rodrigues, pièce pour sept danseurs.

Parmi toutes les formes brèves, l'une me parle plus que les autres : celle qui, justement, parle du langage :

Une femme danse lentement en décrivant par des mots le moindre de ses gestes. L'opération dure une quinzaine de minutes.

Elle s'interrompt.

Reproduit exactement les mêmes mouvements sans les nommer : l'opération dure une quinzaine de secondes.

Ainsi visible le décalage entre la lenteur du langage par les mots et la rapidité du langage par le corps.

Le langage par les mots dit par décollement, les mots désignent des référents extérieurs ;


Le langage par le corps dit immédiatement (sans média), il est ce qu'il désigne.

Peut-on encore parler de langage lorsqu'il n'y a pas détour, lorsqu'on ne fait que livrer brut ce qui se montre déjà ?
Et pourtant, la danse ne parle-t-elle pas à notre corps mais aussi à notre "âme" ?

En outre, la danse, de même que l'écriture et la parole, se crée en fonction de codes et de décalages à l'égard de ces codes.

samedi 10 avril 2010

La littérature à échelle d'homme

La littérature ne serait que d'infimes et infinies variations sur un même... n'enfantant nulle nouveauté, elle ne pourrait donc être source de progrès.


On n'écrit que sur le terreau du monde.
Toute invention littéraire se fait sur la base du monde. L'idée même de vide est liée au monde : elle lui est opposition : sans lui, elle ne pourrait s'y opposer et ne serait créée.
Ainsi, on ne crée jamais quelque chose d'entièrement neuf. 

Cependant, les minuscules variations que nous créons sur des schèmes maintes fois répétés enrichissent le monde à nos yeux - que cela soit en s'y mêlant ou en en restant autant que possible à l'écart.


Or, on n'écrit pas pour faire progresser le monde, pour faire avancer l'Histoire, pour faire courir les chevaux de Napoléon et les Grands Hommes dont rêve Raskolnikov.

On écrit pour vivre soi, à échelle de soi.
On écrit à échelle d'homme - pour vivre avec soi et avec les autres.


La littérature est à échelle d'homme - et lorsqu'elle change le monde, c'est encore à échelle d'homme.

Le cynisme de l'Histoire ...

Alors que le Président Lech Kaczynski se rend en Russie pour la reconnaissance par l'Etat russe du massacre d'environ 22 000 polonais perpétré par la police politique soviétique au début de la Seconde Guerre mondiale, son avion disparaît dans l'abîme fulgurante d'un feu ouvert dans le brouillard : comme si rappeler les morts de l'Histoire réveillait celle-ci et l'incitait alors à appeler à elle d'autres morts encore... Histoire tu te moques de nous petits Hommes et lorsqu'à grandes brassées de pommade on cherche à te lisser tu te soulèves et te révoltes. à ceux qui voudraient te faire disparaître tu te signales et tes signes ne sont pas des aigles mais des jets de foudre portés depuis le ciel. force tragique ou force de cynisme ?

Histoire tu te moques de nous - mais qui es-tu sinon nous-mêmes ? nous-mêmes et le brouillard

politique de journal - ébauche d'une ébauche

Mon journal pot-pourri : à mon image (multiple et éclatée, un peu sale, mais nourrie de l'humus des autres qui perpétuellement en moi comme en l'autre se décompose et se recompose)


Brouillon aussi : l'écriture comme magma noir informe qui bout en moi.
Je ne livre pas à un supposé musée - terne mausolée - les roches formées et fixées - pour un temps du moins - , basaltes, trachytes, rhyolites ; andésites,
je laisse couler à flots à ciel ouvert la lave dans l'effervescence de sa naissance et renaissance, perpétuelle reconduction du même et du changement.

Le Pays de Jamais-Jamais

Jamais-Jamais : la double négative annule le jamais pour induire le toujours immémorial : le Pays non pas imaginaire : le Pays est.
Désir de rester toujours-toujours au Pays de Jamais-Jamais . . .

samedi, 5 heures du matin : je passe sans discontinuer du rêve à la pensée

jeudi 8 avril 2010


A la recherche d'un temps où dormir.

Aux antipodes de Blanchot : la littérature engagée de Sartre


L'écriture, selon l'exposé de Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ?, est une reconnaissance mutuelle de la liberté de l'auteur et du lecteur.
Ainsi, "l'écrivain, homme libre s'adressant à des hommes libres, n'a qu'un seul sujet : la liberté."
Puisqu'écrire c'est reconnaître la liberté de son lecteur et de l'humanité entière, il serait contradictoire de prôner l'asservissement d'une partie de l'humanité - de là qu' "on ne puisse pas écrire un bon roman à la louange de l'antisémitisme". Réciproquement, le lecteur ne peut approuver un livre qui prône l'asservissement d'une population ou de quelque(s) homme(s) alors qu'il reconnaît en lisant sa propre liberté - et par là la liberté de l'humanité - et, en reconnaissant la liberté de l'auteur, exige de lui qu'il reconnaisse la sienne.
Ainsi, "la liberté d'écrire implique la liberté du citoyen" puisqu'il faut que le lecteur se reconnaisse comme libre pour que notre liberté d'auteur soit reconnue (la reconnaissance de la liberté ne peut fonctionner qu'à double sens).
S'engager dans l'écriture, c'est donc s'engager dans la lutte pour la liberté. Ainsi, si la liberté est menacée au point qu'on ne puisse plus être libre dans ses écrits, il faut alors changer d'arme : troquer la plume pour l'épée, ou la machine à écrire pour l'arme à feu.
Cependant, dans cette dernière idée, Sartre reconnaît que l'écriture n'est pas toute puissante...

Si l'écriture est tout à fait impuissante chez Blanchot, ne donnant naissance à rien et s'avortant elle-même, elle n'est pas toute puissante chez Sartre...

PS : lorsqu'au premier chapitre Sartre parle d'une littérature au "discours si curieusement agencé qu'il équivaut à un silence, une pensée qui se conteste elle-même (...)", n'attaque-t-il pas implicitement Blanchot et d'autres écrivains de l'écriture du silence ?

mercredi 7 avril 2010

Blanchot ?


Après une lecture partielle de L'écriture du désastre et une lecture rapide de Thomas l'obscur, une question se soulève en moi plus que toute autre : le paradoxe est-il pour Blanchot un moyen ou une fin ? Je l'ai envisagé comme une fin, ou du moins comme un moyen se confondant avec sa fin : les paradoxes structurant ces ouvrages rendraient possibles l'impossible - et même : créeraient un monde impossible. Ceci est pour moi l'une des forces essentielles de la littérature : être une philosophie de ce qui n'est pas, voire une philosophie de ce qui ne peut être (en fait : une philosophie de ce qui ne peut être dans le schéma cadre du monde - et peut ainsi être dans les schémas toujours nouveaux de la littérature - , ou peut-être, et il me semble que cette philosophie littéraire soulève justement la question, une philosophie de ce qui ne peut être seulement dans le schéma cadre de notre pensée, de notre "connaissance", que nous avons appliqué sur le monde avec plus ou moins de justifications ou de raisons). Ainsi, notamment, la question du vrai et du faux n'a pas cours dans la littérature de Blanchot, voire dans toute littérature. Il n'y a pas à distinguer vrai et faux ; même : il n'y a pas à distinguer. La littérature de Blanchot est une littérature de l'indistinction.

Ainsi, notamment :

-on ne sait jamais, à la lecture de Thomas l'obscur, si les événements se déroulent concrètement, ou si tout n'est que métaphores du mental (de Thomas, d'Anne, à condition qu'ils ne soient pas eux aussi des abstractions). Il y a confusion, on ne peut distinguer. Or, distinguer n'a aucune importance. Concret et abstrait (métaphores) sont conjoints et se confondent, ne sont pas à distinguer, puisqu'on est en littérature. En littérature, tout événement qui se prétend concret n'est en fait que métaphore d'une idée, d'un "message" mental. Ainsi est possible l'impossible (qui est pensable par le langage - mais peut-être par le langage seulement), et notamment la multiplication des paradoxes.

-de même, du fait de ses nombreux paradoxes, tout paysage dans Thomas l'obscur paraît être un paysage mental, une métaphore de l'état mental d'un personnage - ou pas même : du narrateur seulement.

-ce qui incite à considérer le paysage comme un paysage mental est aussi le fait que le personnage, en changeant de lieu, reste néanmoins dans un même lieu. Au chapitre II, par exemple, bien qu'il soit dit que Thomas est entré dans une cave, on découvre quelques pages plus loin qu'il est encore dans le bois. De même, au chapitre IX, Anne est dans un seul jardin et cependant dans deux jardins à la fois.
Indistinction de l'espace : espace aboli.

-A l'abolition de l'espace répond bien sûr une abolition du temps. Quelle est la mesure temporelle de ce "roman" ? Sur quelle durée se déroule l'histoire (la diégèse) ? Quelque chose se déroule-t-il ?
Il n'y a pas de déroulement d'histoire car il n'y a pas de déroulement du temps. Tout se passe sur le même plan, ou plus exactement au même rythme, qu'il s'agisse d'événements que l'on suppose brefs ou que l'on suppose devoir durer. Ainsi, on ne peut savoir lesquels "véritablement" sont brefs, et lesquels "véritablement" durent. Le temps n'est alors plus qu'une masse informe, indistincte (où l'on ne distingue rien) : le temps est aboli.


Abolition de l'espace et abolition du temps donc : alors, abolition du récit. Peut-être. Comme nous l'avons déjà dit, il n'y a peut-être rien : pas d'espace, pas de temps, pas de lieu, pas d'événement, pas de personnage (d'autant que : quelle différence entre Thomas et Anne ? quelle différence entre la mort d'Anne et celle de Thomas ?). Que de la métaphore. De la métaphore sans référent. Du pur langage ? verbiage ? ou création aux limites de la création ?

A la page 129 (chapitre XI), Thomas "dit" de la nuit : "Je suis avec toi, comme si tu étais mon oeuvre. Mon oeuvre... Quelle lumière étrange tombe sur moi ? L'effort pour me rejeter de toute chose créée aurait-il abouti à faire de moi le suprême créateur ? Contre l'être, ayant tendu toutes les forces, je me retrouve au coeur de la création. Moi-même, je me suis fait créateur contre l'acte de créer. (...) Je crée ce qui ne peut être créé. Par une ambiguïté toute-puissante, l'incréé est pour lui et pour moi le même mot."
Remarque métatextuelle ? Blanchot ne commente-t-il pas ici son propre texte ? L'oeuvre n'est-elle pas l'oeuvre littéraire, le livre ? L'écriture de Thomas l'obscur serait alors création et incréation, écriture qui se détruit au fur et à mesure qu'elle s'énonce, qui travaille perpétuellement à sa propre destruction.
Ecriture suicidaire ?

"Ecrire un poème après Auschwitz est barbare" (Adorno).
Alors l'écriture, qui ne peut s'empêcher de naître, porte sans cesse les mains à son cou, là où elle se noue : auto-culpabilisation de l'écriture, qui ne peut dès lors exister que sous le signe du désastre.
"Fail better" disait Beckett : mieux réussir à échouer.
Dévaster, ravager.

[Je pensais m'avancer par les ongles, toutes griffes dehors, à la lecture de Blanchot. Je supposais qu'il n'y avait rien à comprendre, ou seulement ce que j'ai énoncé précédemment ; mais j'imaginais que cela n'était que fausses hypothèses de ma part, dues au fait qu'une profondeur (philosophique?) m'échappait.
Cependant, je suis tombée sur une citation de Blanchot qui confirme mes hypothèses... mon axe de lecture semble confirmé.]

Blanchot affirme bien ainsi, dans L'Espace littéraire, qu'on ne peut dire , tout est détruit avant même de. : "(...) le langage n'est pas un pouvoir, il n'est pas le pouvoir de dire. Il n'est pas disponible, en lui nous ne disposons de rien. Il n'est jamais le langage que je parle. (...) Tous ces traits sont de forme négative. (...) Cela parle, mais sans commencement. Cela dit, mais cela ne renvoie pas à quelque chose à dire, à quelque chose de silencieux qui le garantirait comme son sens. Quand la neutralité parle, seul celui qui lui impose silence prépare les conditions de l'entente, et cependant ce qu'il y a à entendre, c'est cette parole neutre, ce qui a toujours été dit, ne peut cesser de se dire et ne peut être entendu. Cette parole est essentiellement errante, étant toujours hors d'elle-même. Elle désigne le dehors infiniment distendu qui tient lieu de l'intimité de la parole. (...) Seulement ici le dehors est vide (...)".

"ce qui a toujours été déjà dit, ne peut cesser de se dire et ne peut être entendu" : m'évoque le désastre, qui est ce qui est imminent et pourtant déjà passé et ne surviendra jamais. Or, je me souviens alors, que L'écriture du désastre évoquait sporadiquement (en filigrane ?), de même qu'Adorno, Auschwitz... L'Ecriture du désastre n'est-elle pas un essai qui dit l'écriture qui ne peut se dire, qui ne peut s'écrire, après Auschwitz, après la Shoah ?
Auschwitz annule tout parce que face à lui le langage n'a aucun pouvoir.
La littérature n'a pas eu la force d'empêcher le génocide, la littérature est donc sans force aucune, sans force valable, elle ne peut plus prétendre à rien.

Retour dans mes citations tirées de L'Ecriture du désastre : or, en effet :
"Que les mots cessent d'être des armes, des moyens d'action, des possibilités de salut. S'en remettre au désarroi.
Quand écrire, ne pas écrire, c'est sans importance, alors l'écriture change - qu'elle ait lieu ou non ; c'est l'écriture du désastre".
L'écriture qui s'annule elle-même, se détruit de mot en mot, de phrase en phrase. Ecriture neutre : ou plus rien ne subsiste.
Montrer le langage vide : pure défaite du langage.

Tu peux lire une phrase de Thomas l'obscur, tu aura tout lu : tu saura qu'il n'y a rien à lire.

L'obscurité, c'est la nuit, c'est l'indistinction, pure perte de sens : ce n'est rien.
"Nuit, nuit blanche - ainsi le désastre, cette nuit à laquelle l'obscurité manque, sans que la lumière l'éclaire" (L'Ecriture du désastre).


danse sorcière


Danser en intérieur c'est rompre les liens que la danse doit pourtant faire renaître : les lianes du corps aux arbres, à l'air, aux plantes, au soleil.

Les femmes sont sorcières lors du retour à la forêt, au langage végétal, au corps en mouvement.
au corps végétal.

La danse le corps écarte l'espace ouvre en dedans la chair du monde originel.

Le monde originel n'a jamais disparu, il attend perpétuellement d'être toujours ouvert toujours à nouveau ouvert
par la femme dont les jambes en écart découpent ouvrent des éventails de lumière dans le ciel à terre
dont les bras jettent des étoiles aux cimes oubliées
dont la bouche arrondit le monde et lui redonne un visage

je cherche une terre un ciel où danser
des branches où m'accroc*er

s'élancer sans que les chevilles se rompent petit bois sec trop maigre

courir nue de regards nue de vêtements nue de toute pesanteur

m'élancer m'élancer m'élancer

courir sauter voler

sans risquer d'encore se blesser.


Fougue du corps intérieur plus puissante que le corps extérieur qui ne peut l'assouvir.



Perpétuellement envie de danser


Ce matin ma tête est comme le ciel : lourde.

Double chape du ciel et de la tête sur le corps gris, sans force, qui tente vainement d'avancer.

mardi 6 avril 2010


et les avions

Solitude


Parfois je voudrais ne connaître personne - pas même des connaissances. fin des connaissances.

Tout au moins - être attaché à personne ; surtout : ne rien devoir à personne.
Rompre les liens. Rompre tout lien.

Il est très difficile d'être seul. Si l'on dit à quelqu'un que l'on désire être seul : il s'inquiètera.
Et pourtant, quel bonheur pour moi parfois (souvent) d'être seule !

Plus difficile encore de trouver un espace de silence. dans mon silence j'inviterais le vent, les oiseaux, les trains. je chasserais tout le reste.

Il me faudrait une terre dévastée pour étendre le vide en moi.

Et pourtant ! combien parfois je souffre d'être seule.


quand ce qui devrait choquer ne choque plus...

lundi 5 avril 2010

De la nécessité de bouleverser la syntaxe


Le bouleversement de la syntaxe est moins une nécessité formelle qu'un nécessaire sémantique. En effet, les nouvelles structures de la phrase apportent souvent des significations nouvelles à celle-ci. Ces significations jaillissantes ne sont généralement pas seulement richesse additive et facultative : ainsi, la longue phrase simonienne est souvent constituée d'un noyau central qui unit les deux fragments de la phrase dans un rapport grammaticalement validé par l'institution mais dans un rapport sémantique tout à fait inattendu. Cette collision de deux morceaux étrangers crée de nouveaux rapports et fait naître de nouveaux objets au monde - amenant par ailleurs le lecteur à des pensées elles aussi tout à fait neuves. Simon crée une nouvelle ontologie - et cela en toute discrétion puisque l'amplitude de la phrase ainsi que le respect grammatical de la syntaxe peuvent dissimuler à l'esprit inattentif la naissance fracassante du nouveau sens.

Enfin, tout bouleversement de syntaxe rompt nos habitudes de lecture et nous ouvre ainsi un monde inconnu, où les rapports sont autres, infiniment autres et tous possibles.

...et la phrase longue


Si la phrase longue prend pour moi une dimension nouvelle, c'est que j'ai découvert (non pas en un éclair de clairvoyance mais au fil de quelques nuits dissimulées) à quel point la syntaxe pouvait être bouleversée au sein même de la phrase, et non pas seulement entre les phrases. Je me dois de reconnaître que Claude Simon n'est peut-être pas tout à fait étranger à cette découverte, bien que j'ignore l'ampleur de son ombre sur ma phrase nouvelle.

Quoiqu'il en soit, si les autres n'écrivaient pas, je serais probablement muette face à mon propre texte interne.
Je ne serais pas silence du langage mais simple négation de celui-ci ; je resterais à la surface du silence, au-delà.
Par l'écriture, je descends en-deçà même du silence - dans ses entrailles, son neuvième cercle, sa couche profonde pas même couche mais densité.que du son.


dimanche 4 avril 2010

l'allongement de la phrase et...


J'ai découvert que la phrase longue pouvait elle aussi faire l'objet d'un maniement original qui soit mon expression propre. Ainsi, j'intercale quelques longueurs entre mes phrases courtes et le rythme s'en voit ainsi plus varié, et surtout, plus surprenant - laissant peut-être suggérer quelque mystère jusqu'alors insoupçonné.

fragilité


Corps plus fragile que le verre. chevilles à se rompre et tout le reste.

Journal


"En prenant ces notes, je me confie à la banalité qui est en moi".

Roland Barthes, Journal de deuil, 29 octobre 1977.

L'attrape-ciel


Depuis quelques années, je sais toujours arracher les arcs-en-ciel à leur ciel.
c'est un arrachement sans douleur, pure douceur.

samedi 3 avril 2010

comme on détourne le regard


je n'ai plus peur de rien devant de toi de rien de rien

le monde s'écarte de la lumière en espace

et jaillissent les larmes de la grotte obscurcie

l'enfant sans obstacle fait de ta peur un rire

il rit il rit - ne le vois-tu pas ?

il rit de ta crainte de tes doutes

toi qui doutes si l'autre ne doute pas

toi qui ne doutes pas si l'autre doute

et comme l'on avance en s'efforçant de ne pas se croiser

mieux vaut être seul pour regarder les chutes d'eau,
mieux vaut être seul pour chuter de lettres mortes de larmes silencieuses,

et la flamme allumée par l'enfant, tu ne la regardes pas,

éloigne-toi de ce brasier insolent

de ce battement trop vif de ce sang délivré

le gouffre béance des lèvres qui t'appelle

fuis fuis ne te retourne pas de peur de ne pas la perdre

et si tu la perdais ?


Où nous sommes (ou pas)


Thomas l'obscur pour une lecture obscure

Sartre pour le meurtre en dedans de la poésie (ou comment la poésie contamine la prose)

Et moi et moi et moi ... (perdue)


passionnée par ceux qui sont passionnés . . . je vous regarde de tout mon corps.

(j'ai aperçu la larme à l'oeil du musicien, le sourire de la danseuse, l'éclat poète de l'inconnu)

nuit de sang


vendredi : 2h15 :

je tiens ma vengeance contre moi-même : épuiser mon sang dans l'étude.
Vengeance salvatrice.

(néanmoins, la bibliothèque fermant à 22h et devant bien continuer la soirée, on enchaîne (se dé-chaîne) sur une soirée parisienne, soirée brésilienne, soirée bellasienne...)

être une femme pressée une femme pressée une femme pressée... de corps et d'esprit
le temps en accéléré et comment l'on court au rythme des percussions, s'arrêtant soudain sur un mouvement, un geste, repartant, dansant sans discontinuer criant par le corps tout ce sang trop vif qui nous jette au-dehors là-bas très loin et ce cri ce cri qui porte vers les autres corps appelle sans discontinuer et la nuit la nuit ...

vendredi 2 avril 2010

Silence enfin. Silence initial.

Me taire. enfin. en espérant que cela ne soit pas trop tard.

me taire et étudier. être humble.

lire le silence. Beckett, Blanchot, Celan.

"(...) ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer".

jeudi 1 avril 2010


La beauté du printemps met mon coeur en liesse ; cependant elle ne m'apporte aucune plénitude : au contraire elle me frustre. Le manque est à la proportion du don ; même lorsqu'elle est là je la cherche toujours.
insaisissable - et avec qui courir ?



concentrer mon énergie sur mes études oui. mais m'asseoir ? m'enfermer ? cela n'est pas humain. ou bien c'est moi qui ne suis pas humaine.

Overdose


Nouvelle Thérèse Raquin : j'ai le sang trop vif pour mon environnement.

Leur journée s'achève, la mienne doit s'achever (c'est la règle)
et c'est comme couper l'herbe sous le pied
trancher à même la vie qu'on me retranche.

Où est la brousse ? Où est cet âge où l'on court sous le soleil sous la lune - sans limite autre que sa propre force (ainsi décuplée) ?

Je suis sous la force de ce besoin impérieux de courir, et je ne sais pas même où courir,
courir pour rien oui, mais toujours seule toujours absurde -
sur des routes tracées à leur taille à leur rythme
et sur lesquelles je ne devrais pas être

Alors je reste là, stupide, immobile, stupidement immobile, là où convergent les rares rayons n'étant pas tranchés retranchés par les blocs verticaux de la ville.

Avec ce surplus de force que je ne sais pas où placer.