vendredi 27 août 2010







Au centre dévasté de la grand-place nette,  un bloc de pierre, bas et régulier,  étroit .  on ne le remarquerait pas si n'était pas posé sur lui un livre ravagé par les pluies et le soleil,  aux pages figées dans leur mouvement , comme posé là par un lecteur fantôme qui voudrait qu'on se souvienne de lui par une de ces photographies cliché(e)s , négatif parchemin et les pages jaunes parleraient d'une mort mystérieuse, d'une douleur fulgurante.  



Ce cliché aussitôt superposé par un autre cliché, celui de la jeune fille qui a elle aussi vu le livre : on a vu le livre dans la place déserte et aussitôt assise, les jambes à demi-pliées sous elle, voilà la lectrice - presque fantôme elle aussi.peut-être est-ce le fantôme qui sous notre regard porté à ses parchemins à retrouvé chair.

Fulgurance des clichés, superposition des négatifs.


La langue n'était pas d'étrusque et d'argent mais d'Amérique anglaise et de para-littérature aux séries noires.  La couverture promettait un best-seller déjà oublié,  mais l'on y avait découpé une fenêtre : sur quoi donnait-elle ?

Je relevais la tête et, je relevais la tête, fulgurance des clichés,
je relevais la tête et - superposition 
place vide fille au livre
je relevais la tête, vis l'homme, le flash,
la pluie sur le livre, le soleil, ravagée


superposition fantôme dans son objectif,
la fille, le photographe, allers-retours saccadés du regard - depuis où ? 


et le fantôme, la mise en scène - volontaire involontaire ? laissé là pour nous, laissé là pour rien ? 
notre regard l'a pris et je fus prise dans son regard -- son regard qui m'a figée, clouée par les paupières au livre fantôme, à la place blanche, à la chambre noire.  clouée dans la lumière.   clouée.






et soudain, l'automne


A chaque pas du temps je marque la saison  °

aujourd'hui le monde vient de s'inverser : j'ai noté l'automne dans le crissement d'une marche, la couleur des rues et l'heure du ciel qui annonce tout ce qui est à venir

si l'été et l'hiver s'immiscent insensiblement dans les corps, 
le printemps et l'automne sont des événements et surgissent au devant de nous, au détour d'une rue, d'un regard

aujourd'hui j'ai noté l'inverse exact du jour de mars où a éclos le printemps cette année, comme au jour de cette première année où le printemps m'a renversée 

Ce sont dans ces surgissements de deux fois l'an que le monde nous contraint à le regarder de plein fouet : à le voir

moi qui toujours le regarde je deviens alors double regard, et lorsque mon corps prend sa lumière, je frémis plus encore qu'aux autres jours

face à face


Les mains tremblaient et ce fut comme pour se cacher et se justifier qu'elles disparurent momentanément dans le sac pour y chercher - un roman noir : qui lui aussi justifiait le tremblement.

En fait, j'avais d'abord vu ses yeux, rouges et embués, encerclés par les mille rides de l'âge et de la tristesse.  Soixante années tiraient sa peau, fronçaient son front.  Le menton tiré en avant lui aussi, et lui aussi tremblait, mais régulièrement, comme le tic d'un maniaque.   Un maniaque, et quand les mains s'étaient engouffrées dans le sac, ce n'était pas un roman du crime à l'apparition duquel je m'étais attendue, mais le couteau même du crime.

Non, l'homme encore tenu par son costume 3 pièces, comme tenu à la respectabilité par son uniforme, son visage bien tracé, ses rides.
L'homme est grand et je peux sans peine me figurer la propagation des ondes nerveuses dans son corps ; comme à chaque choc tout 1m90 doit être secoué et tremblant.

Il n'en a pas encore perdu la graisse autour du ventre, mais ses veines tracent les lignes en saillie d'un bas-relief,  et la tête comme atteinte, la tête d'abord atteinte, comme si elle était l'épicentre du séisme alors même que le corps entier est si craquelé que - où serait la faille sismique ?
la tête toujours énorme, apparemment bien faite, mais dont les cheveux sont partis par touffes dès que le corps reposait,  épuisé  -  ou peut-être arrachés,  lors des crises.

Je me tiens là en face de lui, effacée.  Le jeu est à 4 comédiens qui tentent de se fondre dans le décor, et qui, dans le fol espoir qu'on leur rende la pareille, font disparaître l'autre dans leur regard.


Seulement, cette fois-ci,  il y en a 2 qui trichent.


Celui à ma gauche s'est enfoncé très loin dans son siège  -  le visage même enfoncé : on ne peut rien lui reprocher.
La femme en face de lui s'absorbe (est absorbée) dans ce qui est peut-être la rédaction d'un cours ou d'un rapport,  et elle ne lève le visage que pour montrer son regard objectivement, politiquement et légitimement agacé par une langue rom qui seule ose se faire entendre dans le wagon  (mais que peut lui reprocher la langue française lorsqu'elle est elle-même devenue mutisme ? toute langue paraîtra cris dans le silence de la langue française des trains-banlieues : pourvu que personne ne nous parle et nous contraigne à répondre).

L'homme et la femme de gauche suivent donc (sont donc) leur rôle,  sans défaillir.  La femme ne défaillit pas même lorsque son voisin (de gauche) faillit et ouvre une faille de son regard en le portant avec outrance sur les notes manuscrites de sa voisine (de droite).  Rien ne doit venir troubler la répartition des rôles, le cantonnement de chacun dans son rôle et son silence, son isolement.
Seulement, l'homme en face de moi est troublé et menace cet état de faits qu'on avait cru immuable.  On pourrait encore choisir de l'ignorer : une nouvelle fois effacé, son manque de tenue et l'irruption de son regard dans notre cercle en seraient annulés.    Sa triche aurait été sans effet.

Cependant, mon regard note chacun de ses gestes et comme une ombre redouble leur existence.    Je porte trace de la tricherie en trichant moi aussi  :  moi qui semble,  enfoncé le corps et disparu le regard,  je porte mes pensées sur cet homme de nerfs qui me fait face  et si je ne semble pas faire face c'est pour ne pas de plein front le frapper et porter atteinte au dernier nerf,  ce nerf infime où s'est accrochée sa vie.


lundi 23 août 2010



Incapable d'être prudente : tellement le goût de la vie que je voyage avec la mort.


(elle et moi dans le même train, et quand nous quitterons les rails, j'aurai à peine le temps d'être surprise)



"Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie indicible, ma vie
D'enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues."

Valéry Larbaud, in "Odes" (in Les Poésie de A.O. Barnabooth).


"faire advenir le possible aux dépens du probable" à propos d'une des aspirations du Surréalisme - de Breton notamment.


Aurait-ce été la peine, après tout,
Après les tasses, le thé, la marmelade d'orange,
Parmi les porcelaines et quelques mots de toi et moi,
Aurait-ce été la peine
De trancher bel et bien l'affaire d'un sourire,
De triturer le monde pour en faire une boule,
De le rouler vers une question bouleversante,
De dire : "Je suis Lazare et je reviens d'entre les morts,
Je reviens pour te dire tout, je te dirai tout" -
Si certaine, arrangeant son coussin sous sa tête,
Avait dit : "Non, ce n'est pas ça du tout ;
Ce n'est pas ça du tout que j'avais voulu dire."

in The Love Song of J. Alfred Prufrock,
T.S. Eliot

en attendant


J'ai deux tasses de café sur mon bureau ; mais comme t'es pas là je bois les deux !

Valérie


Elle s’appelle Valérie. Elle est arrivée ce matin, ces cheveux ne dégoulinaient pas encore. Souriante, vive, tout était facile. C’était elle que j’avais eu au téléphone l’heure d’avant. Je lui avais sorti tous les livres dont elle avait besoin : pour elle, la journée commençait facilement.

Je l’ai revue une demi-heure plus tard, sous la pluie (une pluie sans concession), elle avec ses petits bras tout maigres et son tee-shirt d’été, à essayer de brancher la batterie de son moteur sur celle d’un gentil voisin de parking. De « parking » : ils étaient en fait sur les places livraisons devant mon magasin.

Ils étaient déjà trempés, mais le gentil voisin a fini par sortir d’on ne sait où un parapluie de secours – pourquoi ne l’avait-il donc pas fait plus tôt ?

Ils ont continué leur scène de cinéma au moins une demi-heure, devant la vitrine, et dedans c’était moi qui regardais dehors – c’était eux derrière la vitrine, et ils étaient tellement beaux.

Je pense qu’elle a ri – mais à un moment, lorsqu’elle a tenté de démarrer le moteur, je l’ai vue derrière son volant : abattue pour un peu, pour un tout petit moment.

Moi je l’aurais bien aidée, mais je n’avais pas ma place dans ce film – et les employés ne sortent pas du magasin pendant leur service : internés.

Maintenant il y a un gros camion blanc à la place de leurs deux voitures : je suppose qu’ils ont fini par réussir à décoller. Ou bien dissous par la pluie ils ont coulé le long du trottoir et ont rejoint l’égout.

En tout cas, c’est comme si le travail remplaçait l’humain – à nouveau.

Camion monstre et lisse, les cheveux dégoulinants se sont enfuis – et moi, je n’ai pas pu bouger.

lundi 16 août 2010


beaucoup de textes écrits et pas encore mis en ligne
beaucoup de textes à écrire aussi

(...je crois que je ne les mettrai pas en ligne - tout compte fait)

Tesla


Nikola Tesla, Mes Inventions (1919) :
"Chacun d'entre nous a besoin d'un idéal pour diriger sa vie le plus sereinement possible, peu importe que cet idéal soit basé sur la religion, l'art, la science ou tout autre chose, pourvu qu'il tienne lieu de force spirituelle."

Edition Un infini Cercle Bleu - 2006 - p112


l'erreur de Tesla


Nikola Tesla, Mes inventions (1919) :
"C'est seulement par l'abolition des distances, la diffusion de l'information à l'échelle du monde, la création de moyens de transport et de circuits d'approvisionnement globaux, la transmission de l'énergie, que l'on pourra assurer un jour les conditions qui procureront à tous des relations amicales et durables".
...les conditions sont là - mais elles avivent les tensions et les guerres plus qu'elles ne les apaisent.
(notamment parce que ces conditions ne sont pas en toutes les mains, mais entre les mains de quelques uns, de quelques puissances et quelques puissants qui en décident)

Un Infini Cercle Bleu - Edition 2006 - p105

mardi 10 août 2010

Sagan


Je ne suis pas sûre de parvenir cet été à arrêter Sagan. à arrêter de la lire je veux dire car elle a bien entendu déjà arrêté d'écrire et c'est sa voiture qui,elle,ne s'est pas arrêtée.
A une première lecture (et j'en suis là), rien ne me semble extraordinaire - je ne pourrais pas dire que son écriture est virtuose, les mots précis, le rythme frappant ou bouleversant, la construction riche et complexe.
Au contraire, ce que je remarque tout d'abord, c'est la simplicité de ses romans, et la facilité de lecture qui en résulte.
C'est cette simplicité même qui me séduit - et je me laisse aller avec facilité à la séduction car j'ai toujours aimé la vie.
Cependant : n'ai-je pas laissé la littérature me détourner (au moins un peu et en un certain sens - incomplet) de la vie ?
Depuis quand donc n'avais-je pas lu un roman simple, sans prétention ?
Avoir tant d'années durant lu uniquement des œuvres de Belles Lettres et lire aujourd'hui Sagan, puis encore un autre Sagan, c'est comme retrouver une jeunesse, une nouvelle jeunesse de lecture, des lectures de jeunesse.
C'est si savoureux d'un coup (et c'est bien d'un coup qu'il s'agit - frappée sur la nuque je suis morte ici et née là-bas) que je ne puis avoir de recul : le charme qu'exerce sur moi les livres de Sagan est-il seulement celui d'une retrouvaille des livres que je lisais au début de mon adolescence (des récits, des aventures, une écriture qui se donne et ne se place pas si loin haut dessus qu'on se fatigue en tension vaine pour à peine agripper) ou est-il celui qu'exerce sur moi la sensibilité particulière de Sagan ? - et je suis charmée entre autre parce que je la reconnais femme, humaine surtout, humaine, et que nos différences me la rendent aussi familière que nos ressemblances (peut-être simplement parce qu'elle met les sentiments à nu tout en endossant un je, si indéfini soit-il : elle n'a pas peur du ridicule et on la découvre ainsi seulement humaine - on découvre l'humain, tel qu'il peut être, tel qu'il est toujours, même si les modalités et les couleurs sont infiniment variées).
Sagan femme de vie qui dit la vie et c'est en cela que surgirait dans ses romans une puissance séductrice, dévastatrice de nos réticences -
Lire Sagan c'est vivre et je peux à nouveau aimer la littérature avec raison (parce qu'elle travaille et approfondit mes folies, m'en fait jouir d'une manière autre que me le permet la vie, et non parce qu'elle serait ma folie-ma seule folie)

naïfs


Les narrateurs des livres de Sagan (en fait, ceux de Bonjour Tristesse et de Profil perdu, seuls romans écrits par elle que j'ai lus jusqu'à présent) montrent tant la naïveté qui était la leur au moment où se déroulaient les événements qu'on en perçoit que mieux l'ironie implicite (douce mais amère), la distance qui sépare le narrateur au moment de la narration du narrateur au moment des événements.  En résulte sentiment doux-amer à l'égard de la naïveté du personnage - à l'égard aussi des naïvetés qui furent les nôtres et de celles présentes et à venir. Ainsi peut on être en sympathie avec les autres et avec nous même, et reconnaître sans un mépris farouche et souvent destructeur nos faiblesses et nos erreurs.

Un théâtre


Je crois que lors des rapports sexuels, hommes et femmes ont plaisir à la répartition des rôles.  Peu importe que cette répartition fut ainsi ou autrement, peu importe la distribution des rôles, ce qui importe c'est qu'il y ait des rôles : il faut qu'on puisse jouer. 

Sans doute est-ce pour cela que, dans les relations homosexuelles, des rôles distincts sont répartis en dépis de l'identité des sexes - l'important n'étant pas qu'il ait deux sexes distincts mais deux rôles distincts.

Ainsi aussi les relations entre hommes et femmes peuvent s'établir sur une inversion des rôles "traditionnels". Ca s'appelle de l'art contemporain.

Quoi qu'il en soit, ces jeux et ces scènes, ainsi que les pièces qu'ils nous permettent composer, se nouent et se dénouent derrière le velours du rideau lourd de pourpre, où deux êtres s'aiment pour le plaisir du jeu et parfois jouent pour le plaisir de l'amour.


--survivre--


J'écoute les grillons de nuit et j'invente les étoiles


je m'évade dès que possible à travers champs, rivières et forêts - mais l'intensité de ce plaisir n'a d'égal que la profonde insatisfaction où il me rejette.

juste au bord


Ces vacances sédentaires me font prendre conscience que j'avais jusqu'ici (ou du moins depuis plusieurs années) négligé la capacité du roman à nous faire voyager. Les livres m'arrachent un peu à la chambre où je suis enchaînée (et quand bien même ce serait une ville, elle se fait minuscule, se clôt sur mon corps, j'étouffe).  
Lorsque je lis la presqu'île de Gracq ou bonjour tristesse de Sagan, je fais cent bornes dans un vent de sel et de bruyères, de chênes et d'embruns, je cours sur des chemins jonchés d'aiguilles de pins et je me jette dans une eau de soleil d'août. 
Et pourtant dans ce plaisir suprême, de lumière et d'odeurs, la douleur me prend le corps et me laisse, tremblante, au bord - 
au bord de quoi ? 
du désir, inassouvi
du plaisir, qui s'éloigne dès que je danse un pas vers lui
 - au bord de la route, qui ne fait, au mieux, que le tour de Paris.

lundi 9 août 2010

Un profil perdu


je rêve de soleil de plages et de mer (d'océan), d'épuisement du corps dans les flots, des rayons horizontaux de sept heures de neuf heures du soir, qui donnent à ma peau et à la mer les couleurs du ciel,
je rêve de vent de mer de nuit, du vol des mouettes comme mélodie des cieux,
du clapotement des vagues sur nos corps allongés,
brûlants de soleil et de désir,
je rêve de sable dans les cheveux et de sel,
de ta peau de sel et de sable,
du temps de sable contre ton torse

je rêve de soleil de plages et d'océan,
je rêve de presser mon corps contre le corps d'un homme, dont je serais amoureuse aussi naïvement (et j'aurais raison) que Josée l'est de Louis*,

Je rêve d'un bonheur que je n'ai jamais eu entier,
d'un bonheur qui paraît simple pour beaucoup

je rêve, je rêve,
mais je suis encerclée par la ville, assiégée,
et aimer naïvement ne me suffit plus. 


*Un profil perdu, Françoise Sagan.

samedi 7 août 2010

CCL JdS


Journal du séducteur ne conclue-t-il pas à la supériorité de l'homme sur la femme, ou du moins à la supériorité de l'homme sur la femme déflorée ? :
"(...) Si j'étais un dieu je ferais ce que Neptune fit pour une nymphe, je la transformerais en homme."


K, JS, p227etc

apparence=abstraction=existence pour soi=non existence ou existence moindre=invisible ?

« Il ne faut pas penser de mal du paradoxe; car le paradoxe est la passion de la pensée, et le penseur qui est sans paradoxe est comme l'amant qui est sans passion : un médiocre type. Mais la plus haute puissance de toute passion est toujours de vouloir sa propre ruine, et de même c'est aussi la plus haute passion de l'intellect de vouloir le choc, bien que ce choc, d'une manière ou d'une autre, doive être sa ruine. C'est alors le plus haut paradoxe de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu'elle ne peut pas penser»

Miettes Philosophiques, chapitre 3, p.74, Tel Gallimard Paris septembre 2003.

Et ces misogynes !


Ayant noté quelques passages du Journal du séducteur de Kierkegaard, je me dois tout de même de signaler combien les propos du narrateur sont misogynes - par exemple :

"Cette existence de la femme (existence en dit déjà trop, car elle n'existe pas "ex" en elle-même) est correctement exprimée par le mot : grâce, qui rappelle la vie végétative ; elle ressemble à une fleur, comme les poètes aiment à le dire, et même la spiritualité a en elle un caractère végétatif. Elle se trouve tout à fait sous la détermination de la nature et n'est, par conséquent qu'esthétiquement libre. En un sens plus profond elle ne devient libre que par l'homme, et c'est pourquoi l'homme demande sa main et on dit qu'il la délivre."
p228 (Folio essais - 1993)

... Toute la démarche de Johannes s'érige sur une telle conception de LA femme... (notamment, il travaille soi-disant à libérer Cordélia... - et à ainsi la posséder puisqu'il serait tel Pygmalion celui qui l'a créée, qui a formé et donné vie là où il n'y avait que matière - vie qui lui serait alors redevable et à jamais liée)

Nuances et complexité toutefois de la pensée de Kierkegaard (ou du moins de Johannes) - exemple :
"En un sens, l'homme est plus que la femme, en un autre infiniment moins".
p229


PS : et quelques lignes plus loin, je lis justement une allusion de Johannes lui-même à Pygmalion : "(...) si ce vol royal l'éloignait de moi j'en aurais une douleur extrêmement profonde. Ce serait pour moi comme si la bien-aimée de Pygmalion s'était pétrifiée à nouveau. Je l'ai rendue légère, légère comme une pensée, et maintenant cette pensée ne m'appartiendrait plus ?"
p240




Très vite, je suis revenue à une écriture d'avant mon apprentissage de l'écriture - peut-être même, du langage
J'écris dans l'oubli de ce que j'ai appris
J'écris comme si je n'avais jamais appris à écrire
J'écris comme je sens, sans qu'il y ait entre les deux la moindre distance, le moindre intervalle,
sans qu'il y ait entre les deux le pont du langage convenu, et le fossé qu'il recouvre et creuse

Ainsi je suis revenue au premier instant où ma peau était effleurée par le monde,
chaque mot posé est un retour à ma naissance,
je suis perpétuellement naissance et vie,


plutôt que construire j'ai décidé de me laisser à la vie

monde, corps et écriture se sont rejoints après un bref détour par le monde civil

A la vie !



j'ai chaussé les bottes des milles lieues

vie !


Susciter la vie en toute chose.

Mon unité de mesure n'est pas le bonheur mais la vie. 
(Et il ne s'agit pas d'avoir tort ou raison,
                                                                                             les choses sont ainsi pour moi,
                                                                                             moi je veux la vie, je choisis la vie
                                                                                             et ne peux choisir que la vie)

il me semble que ce qu'on appelle bonheur n'est qu'un refuge à peureux - leur bonheur n'est qu'immobilité.

Combien tout se fige dans le bonheur : ce n'est qu'une seule heure dans laquelle on reste immobile de peur que tout s'écroule, dans laquelle on n'ose plus bouger et on espère que ça ira comme ça.

Pour moi la joie ne peut être dans le bonheur - la joie est possible seulement dans la succession des heures, dans le mouvement, dans des heures qui sont bonnes parce que chargées d'énergie, chargées de vie - de bonnes heures contre le bonheur. Je troque ! je prends !

Moi je choisis le mouvement, je choisis la vie, 
et c'est tout ce à quoi je peux croire.

Je ne crois qu'aux bonnes heures, le bonheur n'est rien.

Je ne veux pas le bonheur, je veux la vie.
Je ne veux rien de plus que la vie :  je ne veux que ce qui m'est donné et que je travaille chaque jour à saisir et que je travaille à saisir chaque jour.

vendredi 6 août 2010

transmission


je n'y avais pas pensé, je ne l'avais pas prévu,
je suis encore au tout début de ma formation,
et déjà : 
je transmets un peu de ce que tu m'as transmis, de ce que tu me transmets

Vases communicants

au temps même de la littérature


vis enfin au temps même de la littérature
- ai écouté la nuit dernière bout d'émission sur Sagan
, ai lu aujourd'hui Bonjour tristesse,
écoute cette nuit autre émission sur Sagan Sagan

mercredi 4 août 2010

toxicomanie


lire Sagan comme on lit Alix
me sens si proche de ces femmes
ai moi-même tant de potentiel pour devenir toxico
le potentiel d'une toxico
et alcoolique surtout
l'alcool, j'aime l'alcool
mais comme je m'habitue à tout (à tout ce à quoi il ne faut pas s'habituer)

que je ne boive ni ne fume ni ne drogue, aurai toujours mentalité d'une toxico, écriture d'une toxico,
d'une addict, d'une solitude consciente d'elle-même

Toxicos nombreux mais toujours plus seuls encore


Et je ne sais pas si on meurt seul, mais on vit seul


(En fait bien sûr, on meurt seul comme on vit seul, et tous dans le même foutu panier)



Plotin : "l'action presque physique de l'imagination:elle entoure l'âme d'un mur de matière ou de demi-matière" (in Klein,106)

in Journal d'Alix


Giulio Camillo, théâtre de la mémoire

(cf p159 + http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=22368)


Alix Cléo Blanchette


Alix Cléo,Sagan,Valentine Prax,Ossip Zadkine - pierre,lune,lumièredebrume

Brume


Brume au-dehors, tout au fond du couloir et je ne peux l'atteindre.
C'est la brume verte dehors, la brume de pluie de bois vert,
j'imagine sa senteur, sa senteur forte, ne peux qu'imaginer
rêve d'être enveloppée des feuilles du grand arbre et de leurs immenses perles d'eau
Pas besoin de voler en suspend dans les feuilles dans leurs larmes jamais tombées

rêve d'être là-bas, solitude comme les yeux de grands cils,
les yeux immenses de lune ne regardant rien


travailler sur (depuis) les écritures en cours (d'où fragments)


impression que les gens ne travaillent pas ce matin.les quais et les trains vidés de moitié.  Qu'a-t-il pu survenir ? le terme anglais pour le surgissement dans la langue familière : what happens ? what's up ? (-et non pas arriver, encore moins se passer)

inlassable répétition du même - et j'en meurs, si lasse - ou je pars.


ne supporte plus les accordéonistes du métro.pire:du rer.pourtant les ai longtemps aimé.plus assez généreuse.fatiguée par la répétition du même.trajet identique à lui-même-même:même visuel,même sonore,et que l'on n'y meurt jamais,figé dans la répétition du même même,même continu dont on ne pourrait sortir.(et certains croient en sortir justement en se donnant pour mort sur les rails,notamment ceux-là mêmes qui sont les artisans du même même:mais non,ils ne sont pas morts:mort plus épaisse que leur vie:prennent pleine présence dans la voix off haut-parleur et les retards du jour sur le jour,retards accumulés en masse,comme les nuages,des nuages qui jamais de tempête et donc toujours,toujours là)

Arrachez-moi à tout ça.   QUe je m'arrache.  

Mon journal,etc.


A moitié nue sous ciel blanc de fenêtre ouverte.
Léger écoeurement,on ne fait pas attention,ne pas faire attention.
Me lève,ne met pas ces boucles d'oreilles,mais les autres tout compte fait:toujours mes superstitions.Attache les cheveux en désordre:désordre de ma tête.
Lecture en fragments.Goût des pastiches.

Alix Cléo, Journal, etc


28.VIII.81

(...)

impossibilité d'écrire,mariée à un poète.



"Ecrire c'est découvrir ce qu'on savait déjà."

Françoise Sagan, dans un entretien de 1977.

mardi 3 août 2010


"De la discontinuité de la pensée qui s’étiole dans le flux de la journée, je ne sors pas victorieuse." Anne Charlotte-Chéron, "Fragments du dix-huitième sud" sur le blog d'Anthony Poiraudeau, "Futiles et graves".

Travail en librairie : éclatements de la pensée : richesse et pauvreté : pensées mais pensées interrompues

vers les oiseaux


" Dans la chasse au mot juste, les deux races : la race des oiseleurs et celle des traqueurs : Rimbaud et Mallarmé. Le pourcentage des seconds dans la réussite est toujours meilleur, leur rendement peut-être incomparable - mais ils ne rapportent pas de gibier vivant."

Julien Gracq, Lettrines.


Johannes se veut dictateur de la gente féminine : emprisonner en feignant de donner la liberté.

(un des premiers degrés de lecture du Journal du séducteur)