jeudi 27 mai 2010

affronter l'inconnu


Etre face. face opaque. yeux opaques face à face transparente.
la peur toujours d'être opaque soi-même.
opaque parce que surface, opaque parce que vide en fait. 
la peur d'être la surface qui se frotte à la profondeur.
qui ne se frotte pas même.
contre ce grain, de n'être pas même émoussée. 

lorsque j'ouvre les yeux sur la page je crains qu'ils glissent et que ne s'opère pas même la moindre révulsion
je crains de ne suivre que la forme des lettres, la forme des mots tout au mieux
la photographie floue qu'ils peuvent imprimer en moi
mais sur laquelle ne se dessine nul profil nulle silhouette
nul sens nul sens autre que le sens pré-institué et qui n'avait pas besoin de cette image nouvelle pour exister

peur pétrifiante de ne pas savoir lire.

que serais-je ?

nulle.pas même annulée. nulle depuis toute origine, origine nulle elle aussi.

je suis face à la page et peur paralysante de l'inconnu. peur de ne pas savoir franchir.
et c'est la barrière de l'altérité qu'on ne saurait pas franchir.
on ne serait capable que de se lire soi-même.
et la lecture de soi-même serait la pire hypocrisie possible : on aurait en soi toutes les clefs et on en créerait d'autres pour les portes fermées, certain (on croit pouvoir l'être, on se trompe sans doute) qu'il n'existe pas déjà des clefs qui nous sont dérobées et que l'on peut donc en forger d'autres, à profusion, sans limite, avec le métal encore liquide, toujours liquide, qui nous informe.

je suis face à la page et peur paralysante de l'inconnu, peur de ne pas comprendre peur de tout laisser à l'informe ou au contraire de former des sens pré-établis prêts-à-monter sur ce qui n'est que force.
Peur d'épuiser la force dans le vide (pas même métaphysique) que je suis ; peur que la force meurt en moi faute de lumière régénerescente. 

j'ai peur de lire mais j'ai peur plus encore de ne pas lire.

alors je lis et je bute sur les mots sur la difficulté qu'ils auraient pu m'imposer (et c'est ainsi qu'ils me l'imposent), sur la fascination qu'ils doivent imposer (sur la fascination que je m'impose).

Lecture paralysante donc, oui : lecture paralysante : lecture hypnotique.

Cependant, aussi vide que je puis être, aussi vide laide que je puis être, aussi vaniteuse, prétentieuse, vide surtout, vide,
aussi vide que je puis être, il doit bien y avoir en moi au moins un mot
mot qui m'impose d'avancer à travers les mots

nécessité de la lecture indéniable

quand bien-même est-ce la prétention l'orgueil qui pousse à lire, 
c'est que l'on sent que c'est ici qu'un orgueil pourrait se placer,
on sent qu'un être de volume, de creux et de volumes, en vient nécessairement à la page, à ses creux à ses blancs, à ses pleins à ses mots.

pour savoir cela, il faut qu'il y ait quelque chose en moi.

alors à la peur de lire se lie le désir la volonté ? toute puissante de lire

Et face à cette nécessité conjointe de paralysie, face à cette nécessité qui est précisément à l'origine de la paralysie, qui se manifeste par la paralysie même, face à cette nécessité qui peut-être est paralysie, 
naît en moi la nécessité de lire deux fois.

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