samedi 20 mars 2010

"Ce n'est pas parce que je ferme les yeux que je dors..." Création de Shush Tenin et Laurent Bellambe


Les corps tordus dans la lumière jaune puis noire noire puis jaune de la scène
des corps à blanc armes blanches balles noires
ce sont des peaux arrachées - arrachées de leurs propres mains par le regard des autres

"ce n'est pas parce que je ferme les yeux que je dors..."

je ferme les yeux parce que personne ne me voit
je ferme les yeux pour ne pas qu'on me voit
je ferme les yeux pour ne voir personne
je ferme les yeux parce que je ne vois personne

et comment chacun s'arrache à soi-même parce que sa peau ne peut être soi
parce que soi est ailleurs parce que soi ne peut pas être ici

parce qu'il faut fuir pour ne pas mourir

mourir de tous ces regards qui sur soi convergent qui de soi divergent

mourir de ce trop-plein de présence qu'on nous fait porter
de ce corps lourd et débordant

mourir de cette absence qui elle-même nous est à peine donnée à porter
corps translucide derrière la peau fine et grêlée rien que des os en poussière

et chacun s'élève pour frapper - quoi ? soi-même
et chacun crie et chacun n'entend rien

on frappe dans la lumière pour être de noir recouvert
disparaître par la mort ou le sommeil
par l'oubli du regard qui ne porte plus
par le monde sans distinction - opaque

seulement dans cet espace les corps sont apparus se sont révélés avec des mots mêmes des visages des corps nus des mouvements des enlacements des corps de rage abandonnés

chaque femme chaque homme a donné à voir la solitude qu'il avait avec son seul corps
et ces solitudes sur la scène jetées se sont vues invisiblement reliées comme une constellation dont seules les étoiles sont visibles et dont on voit pourtant les jonctions

- et cette constellation incluait chaque corps du public - non plus isolé(s).

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