jeudi 22 juillet 2010

Architecture déserte


Dans tout le grand monde et tout le grand paris, j'ai trouvé un petite salle blanche, plus ou moins un cube, aux murs troués par des images. Ces images sont les pensées à demi-formulées d'un homme - combien elles me le rendent pour une première fois familier.  Jérémy Liron peint l'architecture, les blocs énigmatiques des villes - ces tours et ces structures, dressées comme des énigmes et semblant n'être nées de nul esprit humain, de nulles mains humaines : plutôt là comme depuis toujours, et inhumaines : ainsi, elles nous renvoient à nous-mêmes. Dans la solitude.

Et pourtant, parce qu'on voit ici, de l'intérieur d'un cube, ces architectures lisses (lisses, même lorsqu'elles sont décrépies : sans empreinte humaine) à travers le regard d'un autre, celui de Jérémy Liron, on n'est plus seul face à elles.

L'impression d'étrangeté n'en est pas amoindrie - 

elle l'est d'autant moins qu'à l'évidence étrange des bâtiments peints fait écho l'évidence étrange des murs blancs de cette pièce presque vide.

Ce n'est par ailleurs pas parce que nous sommes plusieurs à voir l'étrange que celui-ci en est dissout : au contraire, il s'en voit confirmé (nous nommons l'étrange et l'étrange nous nomme ainsi - l'étrange a envahi-).

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Dans le reflet d'une des peintures, aux immeubles blanc cassé et troués de noirs, je vois soudain un grillage.    Ce n'est que celui peint sur le tableau d'en face, auquel je tourne le dos. Mais combien ce grillage semble de plus épaisse matière à travers le filtre de deux peintures qu'à travers celui d'une seule - combien je le vois à présent.
Peintures qui révèleraient à notre vue ce que l'on voit chaque jour.

Pourtant, je ne vis dans cette salle aucune révélation : mes yeux sont eux-mêmes peinture, aussi suis-je habituée à voir le monde à travers ce filtre.

Seulement, je ne peins pas exactement comme Jérémy Liron, même avec mes seuls yeux. Ainsi puis-je avoir ici le surplus d'expérience donné par le fait de voir par les yeux d'un autre. J'entends sa voix calme
(en souvenir de cette vidéo - http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article367)
Et je veux bien rester ici quelque temps à regarder et à écouter.  A mon calme froid s'ajoutera le calme froid de Jérémy Liron, comme s'y est depuis longtemps ajouté le calme froid de l'architecture déserte des villes nouvelles.



2 commentaires:

  1. merci pour cette lecture sensible et personnelle. Très beau texte. Je me permets d'archiver dans ma "revue de presse". JL

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  2. Merci à vous pour vos peintures.
    J'aurais aimé voir les expositions de Lyon et d'Angers, mais je n'avais à l'époque pas encore entendu parler de votre travail.
    Je suivrai votre travail à l'avenir (notamment : je ne tarderai pas à me procurer La Mancha, puisque je m'intéresse à votre travail et à celui d'Arnaud).
    Que mon texte soit dans votre revue de presse : tout l'honneur est pour moi, si vous me permettez l'expression.
    -Ana-

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