jeudi 1 juillet 2010

Ville de chaleur


Lorsque le soleil s'abaisse sur ma ville, au point le plus obscur devenu blanc,
l'architecture est aplanie par la lumière et nul refuge ne subsiste.
On circule (on ne circule pas) de place blanche en place blanche,
comme sur un échiquier dont il manquerait les cases noires,
et dont le quadrillage disparaîtrait, ainsi que tout repère. 

Chape d'or blanc sur la ville entière,
et par endroit des éclats d'argent qui nous aveuglent plus encore.

Autour de ces grands yeux d'eau, une herbe sèche et rare, 
mille broussailles contre lesquelles les jambes se piquent,
désert steppique où l'on oublie tout chemin,
tout lieu,
tout.
où seule reste la nécessité de la marche 
                                                                       - pour que le soleil puisse nous accabler plus encore.

Autrefois je fuyais la ville de chaleur, 
recluse dans une chambre froide,
qui maintenait en vie et mouvement mes limbes cérébrales.

Aujourd'hui je sors à ciel ouvert sous ce soleil à pierre fendre,
je viens poser mon corps là où le soleil pourra encore un peu plus m'accabler de son poids

je sors porter vie et mort qui lézardent les roches,
les arbres et les bêtes que nous sommes.

je fais l'expérience de la chaleur,
je fais l'expérience des limites (solaires, Sollers),
je découvre un grand désert dans la ville blanche .
Alger est loin sous les pieds le Sahara sans nom  :

les immeubles sont tombés de sable sous l'action des rayons, 
la ville a déserté la ville
et l'on avance sans direction 
sans horizon

Rien qu'horizontalité du sol vide sous le pas

je donne mon corps au soleil algérien pour devenir Etrangère

Tout me devient étranger

je suis étrangère

Mon corps même laissé derrière l'arbre là-bas
, et les mots dont j'étais faite découpés comme des ombres
des ombres qui se séparent de soi et disparaissent au soleil de midi.

Au 1er juillet 2010, il n'y a rien que midi toute la journée.

Les cadrans solaires de toute la ville en attestent :
à chaque seconde c'est un nouvel habitant qui meurt et s'écroule
sur ces dalles de pierre qu'on aurait voulu fraîches.

je sors mourir avec eux, mes semblables :
silhouettes blanches sur fond blanc,
plus rien ne nous distingue.
nous ne sommes plus que la solarisation du monde
aux apparences d'atomes
(mais blancheur uniforme : univoque)

je suis sortie devenir chaleur à mon tour
le corps entier devenu brûlure,
la tête aveugle et les jambes trébuchantes -

j'avance ainsi jusqu'au centre du désert
Où mon corps en croix
je brûle à l'incandescence
et deviens le seul point persistant   au centre de ce monde écroulé.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire