vendredi 30 juillet 2010


"Dans les marges sans contours que j’arpente jusqu’à mourir (je le sais bien, je l’accepte), à force de les écrire parce qu’en moi tout l’exige, noter les bruits du monde qui m’entoure — et puisque ces bruits ne peuvent s’entendre qu’aux marges, marges fracassées dans le crâne (et de plus en plus, ces maux de tête qui me cernent : marges là encore : prix à payer, je m’en acquitte, sans ciller) — des chants de Bach, des voix qui percent, n’en saisir que la morale possible : la morale d’une beauté sans Dieu ; arracher Dieu à cette beauté qui seule me maintient là, pulsation du temps que je bats sous les doigts, un mot après l’autre, dire un peu dans sa propre bouche le monde tel que dans les marges il afflue hors"

(Des Marges, Arnaud Maïsetti, vendredi 7 mai, sur les marges.net de Jean Prod'hom)


Le poids du monde dans son déséquilibre, avec son centre lourd, englué, et ses marges dépeuplées : on le prend sur son dos jusqu'à mourir -
et ce qui avant ce temps fait vivre : la fulgurance de quelques beautés pures, "cette beauté qui seule me maintient là".
Entre ce poids du monde et cette légèreté des fulgurances, ce n'est pas une balance, un équilibre.
Ainsi, pas de risque que la balance bascule, qu'un équilibre soit rompu (et que l'on sombre)
Non, nul équilibre, nul équilibre - pas même un déséquilibre : nul rapport possible, nulle mesure qui entretiendrait l'un par l'autre, qui rendrait possible, qui justifierait leur coexistence et qui expliquerait que l'on survive ou que l'on en meurt
Pas de mesure qui ferait tenir l'un avec l'autre, et nous au milieu. 
C'est seulement là : on quitte le centre, on avance vers les marges, déjà dans les marges, et si ce trajet est possible c'est parce que les marges étaient déjà dans le centre, géographiquement les marges au centre, aussi tout autant qu'ailleurs, peut-être même parfois plus si tant est que possible,  on les aperçoit parfois quand l'opacité de l'air se déchire ,  et alors c'est blême, c'est tout blême, c'est de la lumière, parfois beauté, souvent douleur. 

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